Chapitre 36

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— Vous êtes vraiment incroyable, s'écria finalement Moana.

— Ne vous fâchez pas pour si peu...

— Pour si peu ? s'étrangla presque la jeune femme. Vous avez failli me tuer !

Faisant semblant d'être pris de remords, Ego leva une main afin de calmer la rage qui frémissait sur les lèvres charnues de Moana et lui teintait les joues de rouge.

— Loin de moi l'idée vous tuer, seulement il fallait à tout prix vous mettre en sécurité.

— Me mettre en sécurité, vous l'avez déjà dit, bougonna-t-elle. Mais pourquoi ? Emrys m'a accueilli et Braïn m'a surement sauvé la vie, cela va-t-il en contre de vos règles ?

Moana commençait s'exaspérer, elle voulait une réponse et elle en voulait une maintenant.

— Ils auraient dû me laisser à mon sort ? Mais qu'est-ce que ça signifie exactement ? Refuser de me porter à l'aide tout comme vous l'avez fait avec Colette ? dit-elle les yeux humides. Ou nier l'existence des hybrides ? Abaisser les paupières pour ne pas voir. Tourner la tête pour fuir. Se boucher les oreilles pour ne pas entendre. Puis accuser lorsque ça vous arrange... Dis donc, vous êtes drôlement doués pour ne pas voir la réalité.

Son sarcasme fit mouche.

— Avez-vous conscience de ce qu'il se passe vraiment mademoiselle Duval ?

La jeune femme se tourna vers lui. Le son de sa voix était étrange. Egon se tenait au milieu du couloir, très droit, les mains engoncées dans ses manches larges, à hauteur de son ventre. Il était calme mais son regard était dur.

— C'est ce que j'aimerai comprendre, répondit-elle en affrontant ses prunelles.

— Patience, vous le saurez bientôt, rétorqua le religieux. 

Toujours la même rengaine. Elle ne comprendrait pas. Elle n'était pas prête. Elle n'était pas des leurs...

Moana passa les deux mains dans les cheveux puis les laissa brusquement retomber dans un geste d'impuissance. Elle serra les mâchoires. Un de ses jours, elle devait avoir une conversation avec leur déesse. Elle devenait l'héroïne d'une histoire un peu trop compliquée à son goût.

Ils continuèrent à marcher jusqu'à sa chambre, elle était si fatiguée qu'il fallut qu'Egon attire son attention à plusieurs reprises afin qu'elle ne s'endorme pas en chemin.

— Vous croyez vraiment qu'Elle sera capable de résoudre cette histoire ?

Sa question était timide, Moana ne désirait pas le fâcher. Indépendamment du peuple duquel il provenait, Egon imposait le respect par son apparence et l'intensité de sa croyance. S'il n'y avait pas de doutes dans son regard, c'était bien le seul.

Son rire cristallin vint interrompre le flot déprimant de ses pensées.

— Non.

Direct et concis. Clair comme de l'eau de roche. Aussi douloureux qu'une gifle. Parfait.

— C'est bien ce que je me disais...

— En revanche, continua Egon, Elle vous aidera. Si vous le méritez, si vous l'écoutez attentivement.

— Vous croyez ?

Il y avait de l'espoir dans sa voix.

— Si une femme telle qu'Elle ne peut pas vous sortir des griffes du Conseil, alors personne ne le pourra. Écoutez-La et vous vivrez un peu plus longtemps. Je l'espère, termina-t-il pour lui-même.

— Comment s'appelle-t-Elle ? Je veux dire, s'expliqua Moana sous le regard inquisiteur d'Egon, comment j'entame la conversation ? Il faut que je sache son nom. Je ne peux pas dire « hey, vous » ou « Madame la déesse, je me disais qu'un petit peu d'aide ne me ferait pas de mal ». Enfin, je pensais... je me disais qu'Elle apprécierait un soupçon de politesse dans notre échange.

— « Mère » conviendra parfaitement.

Moana hésita une fraction de secondes.

— Révérend, je...

— Pape.

— Pardon ?

— Je suis pape, mademoiselle Duval.

— Ah... oui, d'accord. Pape, successeur de saint Pierre, je vois.

— Non, pas vraiment. Il n'existe pas d'apôtres ou de Messie ici-bas. Notre hiérarchie est simple : notre Mère, votre serviteur ici présent puis mes frères.

— Alors pourquoi utiliser un titre humain ?

— Parce qu'il est plus facile pour vous de comprendre mon rôle en utilisant ce titre. Un SAQUA élevé parmi les siens, ajouta-t-il rapidement, sent le pouvoir en moi. Son instinct lui souffle mon identité avant même que je n'ai besoin de la décliner. 

— Vous possédez beaucoup de connaissances sur les religions Humaines.

— Avant de succéder à mon prédécesseur, j'ai voyagé à travers le monde.

Devant l'expression étonnée de la jeune femme il poursuivit :

— Notre existence n'était pas encore découverte. La plupart de vos mythes et légendes ne sont que le fruit de nos brèves apparitions à une époque où les superstitions nous permettaient de vivre librement.

— Vous ne parlez pas des temps modernes n'est-ce pas ? L'Antiquité ?

Un coin de sa bouche se souleva en un léger sourire qu'il s'efforça de réprimer. Moana eut un rire nerveux.

— Doux Jésus, souffla-t-elle.

— Nous nous trouvons devant votre chambre, changea soudainement de sujet Egon. Reposez-vous. Votre séjour en prison fut long et éprouvant.

— Attendez ! (Elle lui attrapa la manche avant qu'il ne s'esquive). Vous ne m'avez toujours pas expliqué comment il faut que je Lui parle. Est-ce que je dois m'agenouiller devant mon lit et joindre mes mains ? Mettre une robe blanche ? Prier près d'une fenêtre ? De préférable le soir ou le matin ?

Amusé devant cette avalanche de questions qui lui tombait dessus, Egon décida d'être conciliant.

— Un simple « Bonjour Mère, avez-vous un moment à me consacrer ? » suffira. Avant de vous endormir par exemple. Mais si cet adjectif maternel vous met mal-à-l'aise, Awilix conviendra tout aussi bien. 

Ce que cache un kilt doit rester secret !Where stories live. Discover now