Ce que cache un kilt doit rester secret !

Chapitre 10

Le lendemain matin, on l'envoya laver le linge sale. Sans savoir qu'elle direction prendre, la jeune femme blonde erra de longues minutes à la recherche du lavoir. Elle s'adentra dans les recoins sombres du château, se perdit dans le labyrinthe de couloirs abandonnés. Quelques tapisseries les ornaient. C'était toujours les mêmes, des scènes de batailles où des hommes combattaient des monstres aquatiques. Parfois sanglantes, parfois ambigues ; elles faisaient frissonner Moana. Une aura...étrange, presque tangible, les enveloppait. Et elle avait même cru sentir le poids d'un regard sur elle. Ridicule, non ?

Quelques minutes plus tard -à moins que ça ne soit des heures- Moana dit stop. Elle en avait assez. Elle ne faisait que tourner en rond avec cette corbeille de linge insupportablement lourde et douloureuse pour son dos. Épuisée, elle déposa sa charge au sol et s'adossa au mur.

- S'il y a bien une chose que je vais regretter durant ce séjour, c'est la machine à laver et le lave-vaisselle, bougonna la française. Non mais quelle idée de rejeter la modernité tout de même ! Je suis tombée où ? Chez les Amish ?

Un souffle frais lui caressa délicatement le duvet de la nuque. Perplexe, Moana baissa la manche avec laquelle elle se nettoyait le front. Un tremblement la traversa. Elle avala difficilement sa salive et pressa ses paupières, essayant de contenir les images terrifiantes qui surgissaient dans son esprit. Maintenant, elle en était certaine : quelqu'un l'observait depuis ce matin.

- Oh mon Dieu, Oh mon Dieu, Oh mon Dieu, Oh mon Dieu...

Prenant une profonde inspiration, elle se retourna d'un bloc. Personne. Moana émit un petit rire nerveux en se rendant compte qu'il n'y avait absolument personne en face d'elle. Elle s'aperçut toutefois que la brise provenait de derrière la tapisserie à ses côtés. Piquée par la curiosité, Moana la souleva tant bien que mal pour passer.

Il faisait sombre. Le tunnel puait l'humidité et les champignons pourris. Sous ses baskets, la terre crissa. Moana toucha du bout du doigt la paroi glissante et commença à marcher. Sa respiration haletante résonnait dans l'obscurité. Elle ne savait pas où la mènerait ce passage secret mais elle ne sentait aucune peur. L'excitation guidait ses pas.

Soudain, un bruit sourd attira son attention. Une sorte de clapotis léger, un son tenu qui traduisait la présence d'une source souterraine. Une odeur d'eau plus marquée que celle du tunnel la guida vers une grotte souterraine. Elle était assez grande pour accueillir une centaine de personnes. Des stalactites décoraient le plafond. Un fleuve, d'une transparence incroyable, ondoyait à gauche. Des dessins primitifs recouvraient l'autre partie.

Ils ressemblaient à ceux de la grotte de Lascaux. Peints avec de la poudre minérale mélangée à de l'eau, l'histoire qui se déroulait sous son regard attentif était aussi terrible que fascinante. Les scènes lui rappelaient les tapisseries du château, bien qu'elles étaient beaucoup plus détaillées. Moana se promit de revenir avec son appareil photo.

Les pierres se transformèrent bientôt en grains de sable. Rapidement, une plage se dessina sous ses yeux. Moana sourit malicieusement. Elle avait enfin trouvé la grotte où se terraient les créatures hybrides de l'autre soir, elle en était convaincue. Elle s'enleva les chaussures pour sentir la texture sablée sous ses pieds. Le vent fouettait ses cheveux dorés et les rayons matinaux lui réchauffaient les joues.

Les légendes disaient que les kelpies étaient des monstres mangeurs d'humains. Ils les séduisaient à l'aide de leur chant et de leur aspect doux, incitant les Hommes à les chevaucher. Une fois dans l'eau, ils les noyaient ou les dévoraient. D'autres fois, les kelpies émettaient un son plaintif rappelant étrangement une personne en train de se noyer pour attirer sa proie. Maintenant qu'elle savait où les kelpies se cachaient, la jeune femme se questionnait sur la démarche à suivre.

Devait-elle continuer à les épier la nuit afin de comprendre leur comportement ? De les photographier pour le journal ? Ou osera-t-elle faire une petite apparition surprise ?

- Que faites-vous ici ?

Moana pesta pour ne pas avoir senti sa présence. Emrys se tenait derrière elle, des mèches noires lui balayaient le visage. Il n'avait pas l'air heureux.

- Bonjour à vous aussi, belle journée n'est-ce pas ?

- Vous ne devriez pas être ici.

- Je me promenais. Et vous ?

- Cette plage est interdite aux visiteurs, continua le highlander, la mine sombre.

- Il n'y avait aucune pancarte, répondit la blonde en haussant les épaules.

- Tout de même, la plage est interdite.

- C'est assez égoïste de votre part, lança-t-elle sans détour.

- Je vous demande pardon ?

- Pourquoi est-ce que vous seriez les seuls à pouvoir faire bronzette et à profiter des bienfaits de la mer ? contra-t-elle.

- Parce que, c'est ainsi, expliqua le laird d'un ton sans appel.

L'envie de rouler des yeux pour monter son exaspération et lui demander d'aller gentiment se faire foutre était tentant, mais Moana était une invité non désirée, cela, elle ne l'oubliait pas. Le moindre faux pas et elle pouvait dire adieu à son enquête et au passé énigmatique de mamie Colette.

- Comment êtes-vous parvenu jusqu'ici ? Une petite citadine comme vous n'oserez jamais descendre le chemin escarpé qui mène à la plage.

Moana hésita à lui dire la vérité. Elle savait que la lui révéler serait une mauvaise idée. Il risquait de cloisonner les passages secrets du château.

- Magie ! cria-t-elle, les paumes écarquillées.

Emrys haussa un sourcil et l'observa de ses yeux insondables perdre peu à peu son sourire. Le silence s'éternisa entre eux. Moana aurait aimé dire que ce fut à cet instant précis, au bord de la mer, comme lorsqu'Ariel rencontra le prince Eric, que le laird tomba sous son charme. Mais aucun coquillage ne cachait ses tétons et aucune écaille ne remplaçait sa peau hydratée à l'aloe vera. Son regard croisa le sien. Nada, aucun cœur ne naissait dans la noirceur de ses iris. La prochaine fois, elle se trimbalerait nue.