Chapitre 30

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Il y avait mieux pour passer une nuit d'insomnie. Elle aurait largement préféré s'asseoir devant la cheminée, un bon livre à la main, un plaid enroulé autour de ses épaules et des chaussettes dépareillées avec de drôles de dessins dessus. C'était la position idéale pour attendre l'aurore. Alors que le soleil continuait son ascension, Moana se rendit rapidement compte de l'exigence presque surréaliste de son désir. 

Elle visait trop haut. 

Après cette nuit blanche, tout ce dont elle souhaitait c'était un lit dans lequel se coucher et, éventuellement, un bain bouillant pour faire disparaître les courbatures dues, malheureusement, plus à sa position qu'à une activité physique intense. Moana leva ses yeux rougis par le manque de sommeil.

La jeune femme avait eu peu de temps pour se préparer à son emprisonnement. On l'avait à peine laissé prendre deux pulls et trois petites culottes avant de la jeter dans la cellule. Comme si son séjour n'allait pas durer assez longtemps pour avoir besoin de plus de vêtements. Moana ne savait pas quoi penser.

La puanteur qui émanait de la paillasse sur laquelle elle refusait de s'asseoir lui indiqua qu'elle était sans doute plus ancienne et humide qu'elle ne l'avait cru. Frissonnante, Moana se mit péniblement débout. Ses jambes étaient ankylosées et, lorsqu'elle voulut marcher, elles refusèrent d'obéir. Doucement, elle appuya son dos contre la pierre froide.

Les murs luisaient d'humidité : des filets d'eau coulaient entre les pierres noires et un pan entier de sa cellule était couvert de moisissures. Des poignées de paille séchées jonchaient le sol terreux et, parfois, des petits bruits animaliers venaient rompre le silence. Un pot pour faire ses besoins avait été mis à sa disposition dans un coin de la cellule. Cabossé et rouillé par les années, des dépôts noircissaient le fond.

Sous le plafond se trouvait une fenêtre rectangulaire de la taille de son avant-bras. Des barreaux épais et décorés par des toiles d'araignées et de la mousse laissaient passés un mince filet de lumière.

En face d'elle, des grilles cadenassées verrouillaient la seule sortie possible. Moana s'en approcha au son des pas se dirigeant vers elle. Assez vite, les pas se firent plus proche et Moana put distinguer des pieds nus, indéniablement féminins, descendre les escaliers menant aux cellules. Un minois d'une blancheur d'albâtre apparut, accompagné d'une délicieuse odeur de nourriture. N'ayant rien mangé depuis le matin précédent, son estomac n'avait cessé d'émettre d'affreux gargouillements. Autant dire que Moana salivait d'avance à l'idée d'une assiette fumante de porridge.

— Tenez, vous devez avoir faim.

— Merci, répondit-elle rapidement.

Elle tendit ses mains à travers les barreaux mais la visiteuse resta hors de portée. Elle regarda autour d'elle avant de reporter son attention sur Moana. Il n'y avait qu'un interminable couloir menant à d'autres cellules, rien d'intéressant. Moana avait tenté de découvrir si quelqu'un d'autre habitait la prison, elle était restée sans réponse...

— Il s'est passé beaucoup de choses après que vous soyez partie. N'êtes-vous pas curieuse ?

Moana avait envie de répondre que non, pas vraiment. A l'heure actuelle, seule la nourriture qu'elle lui amenait lui importait. Cependant, si elle était l'unique présence humaine avec qui elle allait devoir interagir avant qu'ils ne se rappellent de son existence, soit, elles parleraient.

— Si, si, bien sûre. Le Conseil était-il toujours au château ?

— Non, ils sont partis tôt ce matin. Et, précisa la femme devant elle avec une moue contrite, la sentence est toujours d'actualité. Vous resterez enfermée jusqu'à votre transformation.

— Oh, je vois, susurra Moana tout en se mordillant la lèvre de dépit. Et Emr... le laird ?

La visiteuse étrécit les paupières.

— Il vaque à ses obligations.

— Je vois... Le Conseil lui a-t-il dépourvu de son titre de seigneur ?

— Non.

Moana relâcha son souffle, qu'elle n'avait pas eu conscience de retenir.

— Vous vous en inquiétez ?

— Pardon ?

— De notre laird. Vous paraissez vous inquiéter pour lui.

— Je...oui, bégaya Moana, ne sachant trop quoi répondre. Il m'a proposé son hospitalité lorsque j'avais besoin d'un lieu pour me recueillir et nous sommes a-amis.

Elle tira brusquement l'assiette contre les grilles, déversant le porridge sur Moana. Avec un cri de douleur, la jeune femme recula, sa main brûlée contre sa poitrine.

— Alors les rumeurs étaient donc vraies. Je n'y avais pas cru. Impossible, disais-je, que notre seigneur se soit entiché d'une Humaine. Pas après ce que nous avions vécu, pas après sa soeur.... Yain répétait à qui voulait l'entendre qu'Emrys ne faisait qu'honorer la mémoire de son grand-père en vous permettant de rester. Que votre séjour serait court. Je l'ai cru ! Mais maintenant que la vérité a éclaté, je ne vais pas vous laissez vous en tirer aussi facilement.

Elle attrapa l'assiette en bois, à peine fendillée par son éclat de colère.

Petite peste, que croyais-tu faire en séduisant Emrys ? (Moana écarquilla les yeux face au venin qu'elle distillait). Il est à moi, tu m'entends. Tu n'es qu'un jouet, un amusement dont il se lassera très bientôt. Cela m'importe peu, parce qu'au finale, c'est moi qu'y se tiendra à ses côtés sur le trône kelpien.

— La promesse...

— Oh, tu parles de cette ridicule promesse faite soi-disant avec Mère comme témoin. Tut-tut-tut, idiote, c'est une légende tirée d'un conte pour enfant. On a voulu te faire sentir en sécurité, te laisser croire que parmi notre clan, tu étais à ta place. Les choses ne s'étaient-elles pas drastiquement améliorées ces dernières semaines ? Pourtant, ce n'était qu'un jeu !

Elle la regarda minutieusement, attentive à chacune de ses réactions.

— Les 3C : confiance, confidence, communication. (Elle sourit aussi doucement que le chat du Cheshire). Mais maintenant qu'on a découvert que tu n'es qu'une vulgaire métisse totalement inutile et incapable d'accéder à la part SAQUA en elle, bien que ça m'étonnerait qu'il y ait eu une quelconque différence si tu avais pu (Elle haussa des épaules, fataliste), et bien... j'imagine que vivre n'est plus d'actualité.

Satisfaite de son discours, elle tourna les talons.

— La parole d'un homme n'est jamais de confiance, aussi beau et puissant soit-il. Au moins, tu auras appris ça avant de mourir.

Griselda sortit en riant tandis que Moana versait toutes les larmes de son corps. 

Ce que cache un kilt doit rester secret !Where stories live. Discover now