Chapitre 24

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Elle constata que les écuries étaient bien tenues, comme leurs abords, mais pas excessivement luxueuses. Les stalles étaient larges, les chevaux soignés. C'était visible à leurs robes brillantes et la propreté de leurs stalles. 

Moana entra d'un pas hésitant, les yeux fixés sur le dos de l'homme qui déplaçait des bottes de foin dans un coin de l'écurie. Il remit ses cheveux roux vers l'arrière d'un geste agacé et essuya son front sans jamais cesser de déplacer le foin. Elle devina les muscles de ses épaules bougeant sous l'effort. Elle resta muette face à cet homme immense, submergée par les souvenirs. 

Son regard glissa vers la gauche, tout au fond de l'écurie, où elle se rappela s'être cachée. Elle frissonna violemment puis se raidit. Elle ne savait pas comment elle était arrivée jusqu'ici. L'alcool coulait à flot, Emrys l'avait blessée et elle s'était mise à boire pour oublier sa déception. Et puis... et puis c'était le trou noir. Lorsqu'elle avait à nouveau pris conscience, un homme se tenait à ses côtés pendant que son corps vomissait un substance bleuâtre et s'arquait de douleur. 

Que s'était-il passé lors de cette soirée pour qu'elle réagisse ainsi ? Une allergie ? Une drogue ? L'envie de demander était forte mais Moana était consciente qu'il s'agissait là d'une mauvaise idée. Le clan de kelpies était trop réservé encore pour qu'elle ne joue la carte de l'honnêteté. Pas avec des inconnus. 

Elle resta à le contempler tandis que son corps oscillait telle une vague qui se retire. Lorsque Moana sortit de sa léthargie, elle se rendit compte qu'elle n'avait rien à faire ici. Concentré comme il l'était sur son travail, il ne l'entendrait pas quitter l'écurie. Mais elle trébucha en voulant partir et il tourna la tête. Il afficha un air surpris avant qu'un grand sourire n'illumine son faciès. Il planta la fourche dans une botte puis marcha vers elle d'un pas vif jusqu'à ce que seulement quelques centimètres ne les séparent.

— Vous devez être Moana, vous vous sentez mieux ?

— Je...oui...merci, balbutia-t-elle sans savoir de quoi il parlait exactement.

Cela dut se deviner puisqu'il ajouta, une lueur étrange dans le regard qu'elle prit pour de l'inquiétude :

— C'est dommage que ne vous ne soyez pas restée jusqu'à la fin, il y a longtemps qu'on ne s'était pas autant amusé. Les fêtes sont assez rares à Urquhart mais le printemps a enfin commencé, le froid ne sera bientôt qu'un vieil ami.

— La fête... oui, c'est pour ça que je suis venue vous voir, mentit éhontément Moana.

— Vraiment ?

Elle hocha du menton.

— Merci d'avoir pris soin de moi. Vous n'étiez vraiment pas obligé de rester pendant que je rendais mes tripes, encore moins de me dorloter. C'était très aimable de votre part et j'aimerai avoir la possibilité de... (elle inspira profondément) de vous remercier.

Il l'observa un long instant, ses iris lapis-lazuli emballant son petit cœur. Les mots qu'il lui avait murmuré la veille lui revinrent brusquement, la faisant rougir telle une collégienne. Il attrapa sa main et y déposa ses lèvres. Elle frémit.

— Vous n'avez pas à me remercier, j'aurai agi de même pour n'importe qui d'autres. (Moana fut déçue, elle voulut retirer sa main de la sienne mais il l'en empêcha). Toutefois, vous n'êtes pas n'importe qui et si vous voulez à tout prix me témoigner votre reconnaissance, pourquoi ne pas passer un peu de temps ensemble ? Peut-être que vous finirez par accepter une invitation à dîner.

Moana accepta avec un empressement qu'elle ne se connaissait pas. Ils s'installèrent sur une botte de foin et parlèrent jusqu'à ce que le soleil soit haut dans le ciel. Elle apprit ainsi qu'Emrys l'avait nommé palefrenier il y a une centaine d'années. Il aimait s'occuper des équidés, de ses animaux nobles et impressionnants avec qui il parcourait les plaines sauvages des Highlands. 

Après avoir exercé comme médecin pendant la Grande Guerre, Braïn souffrait d'une grave dépression et personne n'avait été là pour l'aider. Cependant, son ton n'était pas accusateur. La perte d'êtres chers fut un coup dur pour les SAQUA, et la douleur trop forte pour ne pas se comporter égoïstement. Moana fut touchée par son passé. D'instinct, elle posa une main sur son avant-bras. Elle sentit les muscles de Braïn se tendre sous sa paume et un éclair de volupté la grisa. Elle plissa les paupières pour mieux savourer la sensation. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, Braïn la dévisageait. 

La jeune femme recula prestement, mortifiée. Elle se conduisait comme une idiote. Elle espérait qu'il ne s'était rendu compte de rien et, pire que ça, elle se sentait coupable d'éprouver une telle attirance pour lui alors qu'Emrys... alors qu'Emrys... quoi exactement ? Il ne s'était jamais rien passé entre eux. Leurs rencontres étaient ponctuées de piques plus ou moins amicales, d'échanges badins et d'une moquerie à peine voilée. Non, on ne pouvait vraiment pas dire qu'il se passait quelque chose entre eux. 

Même pas après l'épisode du bureau ? la questionna sa voix intérieure.

« — Parce que nous sommes en public et qu'à partir de maintenant, il est préférable pour vous qu'on ne devine pas notre...

Amitié, finit Moana en voyant sa difficulté à finir la phrase. »

Oui, même après ce soir-là où, malgré le fait de connaitre enfin la vérité sur sa grand-mère de sa bouche, elle n'avait pas eu envie de quitter Emrys. Parce que s'il y avait bien une chose qu'elle se refusait de reproduire, c'était l'histoire d'amour impossible des lairds du clan Mackintosh. 

Ce que cache un kilt doit rester secret !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant