Chapitre 37

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Dans son lit, les mains sur son ventre, Moana s'était enfin décidée à suivre les conseils d'Egon. Elle inspira profondément, sans que cela change grand-chose à son état. De son poing fermé, elle frappa à plusieurs reprises le matelas gélatineux.

Pourquoi est-ce que Awilix tardait temps à lui répondre ? Le wifi ne passait pas ? Il y avait des coupures à répétition qui expliqueraient un manque de réponse de sa part ?

Agacée, elle ouvrit les yeux, souffla un bon coup puis jeta les draps à côté d'elle. Elle n'arriverait à rien, encore une fois. Ça faisait déjà plus d'une semaine qu'elle essayait de communiquer avec le divin. 

C'était frustrant. Trop frustrant. 

Moana n'avait aucun élément pour aller à l'encontre du Conseil, que des suppositions de bonne femme. Elle voyait son rêve de liberté s'envoler alors que la peur ressentit dans sa cellule revenait si forte qu'elle craignait d'oublier son rêve. Moana ne désirait aucunement trembler de peur devant les seigneurs de son monde. Retenir ce qui l'effrayait, ne plus songer à l'impossible...

Et personne qui la défendait !

Puis il y avait Egon. Que dire de lui ? 

Cet homme illustrait à lui seul la notion de mystère. Cependant, elle ne pouvait lui reprocher sa bienveillance. Il accompagnait chacun de ses pas. Ils avaient partagé leur repas ensemble tout comme leurs connaissances respectives. Puis il lui avait fait visiter les terres autour du temple. Moana avait été impressionnée par leur ingéniosité et par cette capacité qu'avait les SAQUAS, apparemment innée, de faire passer le bien collectif au-delà de leurs intérêts personnels. Elle en avait déjà eu un aperçu au château d'Urquhart mais sur ces terres, cela allait bien plus loin. 

Outre leur devoir religieux et éducatifs, les moines d'Awilix s'engageaient à récolter et fournir les denrées alimentaires de bases, notamment des perles qui boostaient la fertilité. Ils élevaient aussi des limaces de mer pour leur pouvoir incroyable de guérison. C'étaient des petites choses, toutes bêtes, qui au final, s'accumulaient, en toute innocence, pour transformer une communauté.

Une vibration attira son attention. Moana se leva, sur ses gardes. 

Elle commença à voir les objets en double. Qu'est-ce qu'il se passait ? C'était comme un bourdonnement invisible qui tournoyait autour d'elle sans qu'elle ne puisse déceler la source du bruit. La vibration augmenta jusqu'à en devenir insoutenable pour ses tympans. La jeune femme plaça les mains sur ses oreilles dans le vain espoir de créer une barrière de chair qui l'aiderait à affronter la douleur. 

Mais la souffrance restait insoutenable. 

Puis les fenêtres vibrèrent avant d'éclater sous les yeux exorbités de Moana. Le souffle de l'explosion l'envoya valser à travers la chambre. Sa tête cogna si fort contre le mur qu'elle vit trente-six chandelles. Un goût de sang envahit sa bouche, elle s'était mordue la langue.

Moana leva une main tremblante, essayant, sans succès, de se protéger de la puissante lumière qui était rentrée dans la chambre à la suite de l'explosion. Elle serra les paupières en grimaçant. Prudemment, elle rouvrit les yeux pour laisser à ses prunelles le temps de s'acclimater à la lumière.

Moana poussa un cri. Elle ferma les yeux, les rouvrit, les ferma à nouveau. Vu la vitesse à laquelle battait son cœur, l'entité qui avait surgi dans sa chambre allait forcément remarquer son trouble. 

— Excuse-moi pour cette réponse tardive, je suis une femme assez occupée. J'ai des adultes à conseiller, des enfants à créer, un monde à développer.

— Oh, je vois.

— Je ne crois pas, dit-elle avec aplomb, tu n'as aucune once de divinité en toi. Bien, j'ai deux minutes à te consacrer.

— Je suis flattée, répondit la jeune femme avec sarcasme.

— Il en va de soi, dit-elle en riant.

Son rire était cristallin et pure comme la neige des sommets, mais aussi effilé qu'une dague. 

Awilix n'avait ni cheveux ni sourcils, néanmoins, elle avait la beauté d'une déesse millénaire. Sa sensualité confondait Moana. Elle était grande et pulpeuse. Une combinaison constituée d'une sorte de matériau épais et élastique moulait son corps. La tirette s'arrêtait sous ses seins, faisant remonter les deux globes de chair, lui permettant de voir les symboles serpentins qui couvraient sa poitrine. 

De sa peau perlait un liquide argenté, rendant sa peau d'une onctuosité déconcertante. Elle flottait au-dessus du sol, les pointes du pieds vers le bas ; un bras croisé sur son ventre, l'autre soutenant son menton. Des filets irisés se mouvaient autour de son corps en une danse qui exsudait sa force tranquille.

Ses yeux allongés, aux cils d'araignées bordés de gouttes d'eau, l'invitaient à se confesser. Moana inspira un bon coup pour se donner du courage.

— Egon m'a affirmé que vous pouviez m'aider, commença-t-elle d'une voix tremblante.

— Dans une certaine mesure...

Awilix inclina légèrement la tête de côté, une lueur malicieuse dans le regard.

— Mais c'est à toi de prendre la décision finale. Je ne peux que te conseiller, t'inciter à choisir une voie.

Moana se mordit les lèvres, déçue de ne pouvoir entièrement compter sur la déesse lunaire. Elle aurait vraiment aimé qu'on lui prenne la main, qu'on la guide, qu'on la rassure. Elle avait peur de la chute vertigineuse qu'elle pourrait faire au moindre faux pas.

— Est-ce que je pourrais me transformer ?

— En quoi ?

— En cheval ? tenta Moana. Mon père était un seigneur Kelpie. Et que ma tête reste sur mes épaules en dépend.

— Je ne sais pas, tout dépendra de toi, j'imagine.

La réponse vague d'Awilix la fit tiquer.

— Comment ça « tout dépends de moi » ? (La jeune femme fronça les sourcils) La question est plutôt simple : est-ce que j'ai assez de gènes SAQUA pour me métamorphoser en une créature marine ?

La déesse lunaire la fixa pendant un long moment.

— Pardonne mon ignorance, tu es la première anomalie que je rencontre. Tu ne devrais pas exister ma chère.

— C'est un refrain que j'ai souvent entendu, répondit Moana en roulant des yeux. Faudrait avancer....

— Ne crois-tu pas que les gens d'Urquhart aimeraient tirer un trait sur toi ?

Awilix approcha son visage du sien, son haleine sentait le Fisherman's Friend. Moana discerna presque de la compassion dans sa voix lorsqu'elle poursuivit.

— Tu n'aurais jamais dû naître, tu es une erreur de la nature. Tu n'es ni SAQUA ni Humaine, tu n'as rien d'une personne normale. Et pour couronner le tout, tu te faire remarquer sans arrêt. Comment tu veux qu'on te laisse tranquille si depuis ton arrivée, les problèmes n'ont fait que se succéder. (D'un doigt elle caressa sa joue). Et quelque chose me dit que ce n'est pas près de s'arrêter.

Ce que cache un kilt doit rester secret !Where stories live. Discover now