Partie 3 : Mon père

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Trois mois après la mort de ma tante, mon père se présentait devant moi pour me dire qu'il était très malade et qu'il fallait que je m'occupe de lui :

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Trois mois après la mort de ma tante, mon père se présentait devant moi pour me dire qu'il était très malade et qu'il fallait que je m'occupe de lui :

- Qu'as-tu fait de ta dernière conquête ? Lui demandai-je sèchement.

- Elle est partie avec un marin, répondit-il amer. Elle a préféré la jeunesse et a pris tout mon argent. De toute façon, cette garce n'en profitera pas bien longtemps. Je suppose qu'elle ne voulait pas assister à mon agonie.

- On va tous vivre l'agonie papa, précisai-je. Avec un peu de chance, un tremblement de terre nous engloutira juste avant l'explosion finale. Installe-toi ici si tu veux, ajoutai-je. La maison est bien assez grande pour deux. Je m'occuperai de tes bagages plus tard. Tu peux aller t'allonger dans la chambre de Tante Louise, comme ça, tu profiteras de la télévision. Il y a quelques films sur le coin du buffet.

- D'accord, a-t-il répondu en baissant les yeux. Merci Léna.

- De rien, ai-je dit, étonnée par sa politesse et son humilité. Je dois m'absenter pour trouver de quoi manger. Je ne te cache pas que ça risque d'être difficile et long. C'est de pire en pire dans le coin, même si j'ai posé des pièges en forêt. Je n'attrape presque plus de gibier. Les rongeurs aussi meurent de faim. Il n'y a plus rien, plus rien du tout.

- Tu prends mon fusil ? Demanda-t-il.

- Je préfère mon couteau et ma sarbacane. De toute façon, je n'ai envie de tuer personne.

- Si on t'agresse, je resterai tout seul, se plaignit mon père. Prends mon fusil s'il te plaît. Je ne peux plus vivre seul.

- Je vois, répondis-je froidement en acceptant son arme. J'y vais.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que mon père n'est pas un tendre. Ses sentiments à mon encontre sont on ne peut plus clairs. Il n'est venu auprès de moi que pour survivre quelques jours ou semaines de plus. Je ne vois vraiment pas pourquoi il poursuit ses efforts alors qu'il souffre le martyr.

Je suis sortie sans bruit et j'ai marché à travers bois pour partir à la recherche de vivres. Le pire, c'est que je ne peux même plus compter sur les fruits sauvages ; avec la température ambiante, tout brûle et se fane. Les arbres n'en peuvent plus de me dispenser une mince protection. Ils n'ont plus de feuilles, seulement des branches qui noircissent peu à peu au fur et à mesure où elles se vident de leur sève. Le bois craque et se disloque au fur et à mesure des jours qui passent. La forêt ressemble de plus en plus à la savane africaine. Son agonie se termine avant la fin de tout ; quelle chance elle a.

Après une heure et demie de marche, j'ai pris un peu de repos à l'ombre d'un vieux chêne. Ce n'est pas vraiment un luxe ;  il fait de plus en plus chaud par ici. La sueur perle sur mon front et s'invite comme une moustache sur ma lèvre supérieure en formant de minuscules gouttelettes qui ont un goût salé. J'aurais sans doute dû faire le trajet de nuit ; on étouffe ici. De toute façon, je suis appelée par la faim. Que sont quelques mois de plus ou de moins dans ma situation. Ma vue se trouble et je revis durant un instant les épreuves qui m'ont amenée jusque dans cette fournaise.

AMBROLIA - RenaissanceWhere stories live. Discover now