sans sel ni arômes

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j'kiffe quand on pense qu'on peut décider à ma place, parce qu'après, on n'est jamais déçu du revirement de situation. le cramé me tient comme si j'étais sa môme et on avance vers une pièce annexe au hall d'entrée. ivy ouvre la marche d'un pas assuré, elle les connaît tous apparemment, c'est ces gava depuis que « je l'ai laissée tomber pour le pays du soleil levant ».

quatre pelo nous zieute quand on arrive, un grand, un arabe à la stachemou chelou, un petit gros et un mec quelconque. J'adore le casting.

— bon ça, c'est deen, après t'as sneazzy, là c'est eff et celui qui fume là, c'est 2zer. Présente ivy en les désignant un par un.

— c'est très facile à retenir en tous cas, dis-je faussement enjouée.

la brunette ignore ma réplique et m'attrape par les épaules.

— et voici kam, c'est d'elle dont je vous parlais les gars !

un silence gênant s'en suit, ils n'ont pas du tout l'air de savoir qui je suis malgré ses dires. on pourrait entendre un bruit de criquet dans la version drôle.

— ma meilleure pote chelou, elle ajoute.

— Ahhhhh ouais, soufflent certains d'entre eux.

— la meuf du japon, là, ajoute le prétendu deen.

je confirme d'un mouvement de tête et de nouveau, un ange passe. ils me regardent tous comme s'ils s'attendent à ce que je fasse quelque chose. un numéro de claquette peut-être ? nous le saurons jamais.

— fais leur la bise, j'sais pas ? murmure ivy dans mon oreille, la discrétion incarnée.

— nan.

heureusement pour nous, l'un d'eux revient à la charge.

— alors, racontes-nous. tu viens d'où, tu fais quoi ?

— j'suis rentrée de tokyo y a une semaine. pour des raisons... perso.

mon ton est tellement las qu'il m'endort moi-même. ils soutiennent tous le regard. le reubeu à la moustache a un air de chien battu ce qui me met extrêmement mal à l'aise.

— et... maintenant elle est revenue à paris pour retenter son biz, on va dire. ajoute ivy, pour alléger l'atmosphère.

— ah ouais ? tu fais quoi dans la vie ?

— rien.

doum's tship et le silence retombe. c'est tellement gênant que j'ai envie de rire. je suis débout face aux daltons qui me questionnent comme s'ils étaient de la police. ivy raconte ma vie pour me forcer à être sociable, je pensais qu'avec le temps elle avait compris que c'était peine perdue. le sneazzy a une tetê qui passe pas, et en plus j'ai une migraine abominable. j'espère que j'suis en train de rêver.

— bon vas y, sisi l'anniversaire mais c'est éclaté. venez on se barre ?

mon eye contact de la soirée débarque dans l'immense pièce silencieuse et brise le malaise. c'est notre cinquième contact visuel. j'adore le chiffre 5.

— salut ken, souffle ivy d'une voix sucrée.

ils se font la bise puis elle me présente.

— ken, kam. kam, ken.

— c'est marrant l'assonance, dit-il, amusé.

— ouais, je réponds sans conviction.

je détourne le regard de ses iris caramel pour me concentrer sur doum's et ses jérémiades.

— bon, vous voulez faire quoi wesh ?

mon attention se tourne ensuite sur ivy pour la questionner du regard mais elle complètement dans sa bulle. elle joue avec ses cheveux et se mordille la lèvre en inspectant sa tenue comme si elle voulait se rassurer.

et après c'est moi la chelou.

— fram' il a dit il est ok pour un after chez lui après c'est comme vous voulez, enchaîne 2zer, le nez dans son portable.

— il habite loin lui, la flemme. rétorque deen. venez on va chez moi c'est bon. 

ils se mettent rapidement d'accord et ils décalent tous de l'appartement. ivy les suit sans même me consulter. j'attends que la pièce soit vide pour l'interpeller.

— tu vas où là ?

— chez deen, meuf. viens ?

— le contrat c'était ici. passe moi les clés je rentre.

— vas y kamiya casse pas les couilles...

elle quitte la pièce pour les suivre et je me retrouve seule. je la déteste quand elle me fait des coups comme ça. je comprends mieux pourquoi je me suis barrée à l'autre bout du globe pour pas voir sa gueule. je retire tout ce que j'ai dit sur sa fiabilité.

— allez viens, putain ! elle crie du couloir.

je ferme longuement les yeux pour tenter de me calmer et garder le peu de diplomatie qu'il me reste.

— écoutes moi bien, je suis la plus grosse pute de l'univers si je te suis dans ton plan bourbier de merde. t'as bien entendu ?

• • •

je suis actuellement la plus grosse pute de l'univers et finalement ce titre ne me va pas si mal. j'ai pas voulu faire ma relou devant toute la clique de bras cassés qu'elle se coltine, ils nous attendaient alors j'ai préféré la jouer tranquille et pas faire de scène.

dans la voiture doum's ne me lâche pas d'une semelle. il arrête pas de me taquiner et ça me tape sur le système. heureusement, je suis encore assez bourrée et j'ai zéro sauce, j'ai abandonné tout projet de le frapper.

— ça faisait longtemps, ta grosse tête. dit-il quand on sort de la voiture.

je souris malgré moi, c'est vrai que ça fait une paye. je le connais depuis la primaire, on a fréquenté les mêmes bahuts jusqu'au lycée puis on s'est perdus de vue. ivy elle a le chic pour entretenir les relations depuis le lycée. elle est tout le contraire de moi cette nana.

— tu m'as pas manqué, je réponds en le poussant, sans succès.

— arrêtes de mito, d'ailleurs t'as des choses à me dire toi.

je souffle du nez et secoue légèrement la tête.

— décale, c'est pas confessions intimes, ici.

— fais pas ta traumat, j'sais qu'il t'es arrivé des trucs de ouf.

mon sourire disparaît, c'était facile à deviner, j'imagine.

ShinkūWhere stories live. Discover now