journée de merde

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c'est pas la meilleure journée qu'il m'ait été donnée de vivre. il pleut, il fait froid, je me suis pas réveillée ce matin, j'ai reçu un message de mon ex, les clients sont relou et j'ai mes règles.

— je peux avoir celles-ci en 40 ? me demande une relou de première classe.

— je n'ai pas de quarante madame, c'est un modèle enfant.

y a des jours comme ça, on finit par comprendre pourquoi le réveil n'a pas sonné. je vaque à mes occupations mais elle revient à la charge.

— ah donc, les enfants ne peuvent pas faire de 40 ?

inspire.

— si, mais quand ils passent la barre des 40, on considère qu'ils s'habillent chez les adultes. c'est comme les vêtements madame.

— c'est vraiment à chier comme état d'esprit.

expire.

— c'est pas moi qui fait les tailles, madame.

— je veux voir votre responsable.

je m'immobilise et me mords la langue pour éviter de l'insulter ses morts. y a que des meufs pour être aussi casse-couille.

— vous me faites un scandale alors que la basket est pour vous ?

— c'est bon kamiya, je gère. intervient sasha en posant sa main sur mon épaule.

je souffle un bon coup et m'éloigne après lui avoir souligné mon plus beau sourire forcé. j'encaisse un client et observe du coin de l'œil la diplomatie dont yeux bleus fait preuve pour calmer cette chieuse à la coupe au carré.

— merci monsieur, bonne journée et à bientôt.

je l'entends qu'il me donne raison. elle ne pipe pas mot et remet la chaussure en place avant de s'en aller. y a des gens on dirait c'est leur objectif de faire chier les autres gratuitement.

— ça va ? il me demande en arrivant.

— ouais...

— laisse couler, y aura toujours des gens pour péter les couilles, hein.

je ne réponds pas et m'éloigne pour remettre en place ce qui a été dérangé. j'ai pas envie de parler aujourd'hui, je suis trop saoulée.

— kamiya, tu peux venir dans la réserve, s'te plaît ?

je soupire et le suis. qu'est ce qu'il a à être sur mes reins lui aussi ? c'est clairement pas le moment. je vais pas réussir à me retenir d'être désagréable.

il ouvre la porte, me laisse entrer d'abord puis referme derrière lui.

— j'ai pas l'impression que t'es en forme ? t'es sûre que tu vas bien ?

ses yeux sous la lumière criarde des néons s'éclaircissent davantage. il me transperce du regard. si j'étais pas super énervée je le trouverais sexy à en mourir.

— ouais t'inquiète, je suis fatiguée aujourd'hui j'me suis pas levée du bon pied.

il hoche la tête et murmure presque.

— si y a quoi que ce soit tu n'hésites pas, ok ? si tu veux prendre ta pause plus tôt ou quoi... tu m'appelles on s'arrange.

— merci sasha, c'est gentil.

il rabat une de mes mèches derrière mon oreille. frérot tu fais quoi ? il veut que je lui saute au cou, ou quoi ?

— j'aime pas te voir comme ça...

c'est trop bizarre. je ne l'ai jamais vu comme ça et on n'a jamais été aussi proches. je commence à avoir une autre douleur qui se manifeste dans mon bas ventre et c'est pas à cause de dame nature cette fois. qu'est-ce qu'il fait ? est-ce que c'est moi qui me fais des films ? ou il est clairement en train de me faire du rentre dedans ?

nous ne nous lâchons pas des yeux. j'ai beau être un tantinet intimidée, j'ai tout de même envie de savoir où va nous mener ce jeu de regard. et plus les secondes défilent, plus c'est évident pour moi, l'attirance que j'ai pour lui est réciproque.

mais ça fait un bail que j'ai pas connu ces bails de séduction là, je ne sais plus comment ça marche. du coup je mets à paniquer et je sors de la réserve d'un pas précipité.

allez kam, plus que deux heures et t'as fini.

• • •

je quitte le magasin sans lui dire au revoir et m'empresse de rentrer. mes reins me font un mal de chien mais j'arrive à tenir et à passer ma demie heure de métro debout sans problèmes. arrivée chez doum's je me desappe et cours jusqu'à ma chambre pour m'y enfermer. je suis pas bien du tout. autant physiquement que moralement. je n'ai toujours pas ouvert son message. j'ai peur de ce que je pourrais trouver. j'ai peur d'être brisée une nouvelle fois. mais d'un autre côté je crève d'envie de savoir ce qu'il a à me dire. c'est de la torture, c'est une perte de temps je le sais, et maintenant j'angoisse. puis je me souviens de ce passage à la réserve avec sasha... qu'est-ce qu'ils ont tous, aujourd'hui ?

il faut que je trouve un moyen de me détendre. je peux pas rester dans cet état.

j'arrive à trouver la force de me lever et d'accéder au salon. j'y trouve doum's et sneaz que je salue brièvement. peut-être qu'eux aussi peuvent m'aider. mais j'aurais préféré parler à doum's seuls à seuls.

dans le balcon je trouve le brun en train de finir de rouler. c'est le seigneur qui l'envoie. il lèche délicatement sa feuille et je le regarde la coller et fermer la roulée. je prends place à ses côtés sans un mot.

— wesh, je t'avais pas vue.

— tu me laisse la première taffe ? je demande d'une petite voix.

il fronce légèrement les sourcils.

— ça va ?

— ouais je... j'ai juste mal aux reins et j'ai besoin d'un petit pet.

— je l'ai pas trop dosé, dit-il finalement.

— t'inquiètes pas.

il me tend le joint après avoir soufflé un léger « à toi l'honneur ». je le remercie et l'allume. la première taffe n'a pas trop d'effet, alors j'en prends une seconde puis lui tend. je me décrispe un peu et j'essaye tant bien que mal de ne pas penser à mon connard d'ex.

— désolée d'avoir gâché ton moment.

il sourit et tire à son tour.

— je te vois pas très souvent, dis-je pour faire la conversation.

il acquiesce et me tend de nouveau le spliff.

— j'étais en tournée jusqu'au mois dernier. là j'ai encore des dates prévues pour des festivals ou des showcases donc...

— l'artiste se fait rare... je murmure en recrachant la fumée opaque.

— je te manque ? il demande en ricanant.

un sourire narquois étire mes lèvres.

— pas moi... ivy.

il reprend le joint et hoche la tête en silence.

— elle t'aime bien, tu sais.

— ouais, moi aussi je l'aime bien.

il a l'air ailleurs, peut-être que je l'ai embarrassé. je me sens bête d'un coup. j'aurais jamais du dire ça.

— je te laisse, je vais rentrer...

— nan, restes.

il tire une nouvelle taffe ses yeux dans les miens. les siens sont légèrement rougis par la drogue douce et je ne peux m'empêcher de le trouver craquant. comment refuser ? Il me tend à nouveau le pilon. c'est toujours un peu chelou avec ken, mais étrangement ça me déplait pas.

ShinkūWhere stories live. Discover now