la pêche aux infos

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j'adore mon job.

vendre des air max à un bobo parisien qui se cherche, c'est tout un art.

je le vois serrer les lacets à fond et faire ressortir la languette sur son jean tandis que son paternel le regarde faire sans un mot. je ne sais pas quand intervenir.

— permettez ? je demande en m'accroupissant.

je lui arrange sa basket et remet son jean à l'initial. ça fait un peu daronne sur les bords mais il faut respecter le produit, tout de même.

— on les prends ! dit-il, satisfait.

je prends grand soin de lui ajouter les paires de chaussettes et la merveilleuse bombe imperméabilisante pour gonfler un peu la vente. ma commission c'est pas une option mon gars.

je retrouve sasha après avoir fermé ma caisse. cette première semaine est passée à une vitesse folle mais je suis clairement exténuée. j'ai qu'une envie c'est me doucher et dormir.

— vingt heures quatre, t'es pile à l'heure, toi.

l'heure c'est l'heure pélo, après l'heure c'est plus l'heure.

— c'est nickel, tu peux y aller. dit-il après lui avoir montré mon sac.

je sors du magasin d'un pas pressé, ravie de pouvoir enfin clôturer cette journée. ça faisait un bail que j'avais pas eu de telles amplitudes horaires. moi qui avais l'habitude de me coucher à cinq heures du mat, je me suis vite calmée. d'ailleurs la rafale de vent qui m'attrape le visage me calme un peu plus. le mois de novembre s'est bien installé. ça fait plus d'un mois que je suis rentrée. je sens que je vais un peu mieux. j'ai moins de colère mais je suis toujours aussi vide. heureusement que ce boulot est là pour combler mes journées, je pense qu'autrement je serais encore en dépression.

je reçois un message d'ivy me demandant si je suis sur la route. je soupire. j'avais oublié qu'on avait rendez-vous pour manger ensemble. c'est un truc qu'elle a instauré pour qu'on garde l'habitude de se voir. depuis que j'suis partie dans un autre pays, elle m'a toujours reproché de ne pas faire d'efforts pour entretenir notre relation. ce qui est malheureusement vrai.

je pète une clope et mon téléphone sonne. elle est pas patiente cette meuf.

— « ouais ?

— salut pétasse, juste pour te dire qu'on est chez doum's, finalement. il fait grave froid dehors...

— c'est qui on ? »

j'entends à sa voix qu'elle sourit.

— « y'a doum's, deen, théo et ken »

j'adore le ton qu'elle prend quand elle dit son prénom. comme s'il était à part des autres, le meilleur pour la fin askip. elle est mignonne.

— « on a commandé des pizza, grouilles-toi !

— Ferme là. »

je raccroche et prends tranquillement la route jusqu'au métro. elle est marrante elle, je suis à l'autre bout de paris. j'ai une vingtaine de stations qui m'attendent, heureusement je fais pas de changement. j'ai toujours pas investi dans un pass navigo d'ailleurs, j'ai d'autres priorités et je cours assez vite, disons. quand ma première paye arrive je commence à coffrer pour me racheter une bagnole. ça prendra le temps que ça prendra. pour le travail encore je m'en fiche, mais pour les plus longues distances j'ai envie de redevenir indépendante, comme avant.

la demie heure de métro passe plus vite avec de la musique, je me suis rappelée des paroles d'ivy qui voulait à tout prix que j'écoute les sons du groupe, mais j'ai eu la flemme alors j'ai laissé ça pour plus tard.

ShinkūWhere stories live. Discover now