la paix

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j'entre dans la cuisine à petits pas en me répétant que je suis un bonhomme. il est dos à moi et se concentre sur la cuisson de la viande d'un côté, puis ajoute quelques condiments à ladite sauce en préparation.

tout ça sur un petit fond musical provenant d'une radio de poche posée sur un meuble.

vraiment à l'ancienne.

je l'observe un moment, il ne m'a pas encore vue. alors j'en profite pour détailler ses moindres faits et gestes à la recherche d'un signe de colère ou n'importe quelle autre émotion. mais c'est peine perdue de dos wesh.

je voulais me racler la gorge comme dans les films mais j'ai préféré opter pour une approche un peu plus naturelle.

— t'as besoin d'aide ?

il se retourne enfin.

il me détaille un court instant puis vaque à sa poêle.

— non, merci. répond-t-il.

j'avais chaud y'a cinq secondes maintenant je caille tellement c'est froid.

au moins, c'est clair. mais maintenant que le silence est brisé, je trouve le courage de poursuivre.

— on peut parler ?

il ne répond pas tout de suite et je prends place sur une des chaises, là où je peux mieux le voir.

je soupire un bon coup, ça va pas être gai donc vivement que ça se termine.

— je t'écoute. il réplique sans me regarder.

je comprends petit à petit qu'il est vraiment pas commode. je pensais qu'il s'adoucirait au fil du temps mais rien à faire, j'ai vraiment du mal à rester en place et à tenir le dialogue. mais bon, il le faut alors je bégaye un peu au début puis je souffle.

— je te demande pardon.

il me regarde alors.

— pardon de pas être comme vous, et pardon de ne pas avoir vous avoir respectés. maman et toi.

machinalement, je me mordille l'ongle du pouce. clairement je puise dans mes réserves d'humilité. et devant ses parents avec qui on entretient que très peu de liens, c'est d'autant plus chaud de mettre son orgueil de côté.

— y'avait beaucoup de choses dont je n'avais pas conscience à l'époque et j'en ai fait qu'à ma tête. j'ai piétiné les valeurs que vous avez essayé de me transmettre et aujourd'hui j'en paye le prix.

je le sais pertinemment. sinon je serais pas aussi mal dans ma vie.

— t'as fait pleurer ta mère, kamiya.

il est dur. mais je ne m'attendais pas à ce qu'il me saute dans les bras après deux phrases. je détourne le regard.

— j'étais une gamine, papa.

— gamine ou pas, j'ai jamais vu quelqu'un briser notre honneur comme tu l'as fait.

ça pique mais je me démonte pas.

— je suis désolée papa, d'accord ? tu vas me reprocher mes erreurs toute ma vie ?

il se retourne pour remuer la nourriture sur le feu.

— non. je t'ai pardonnée.

je reste interdite. j'ai bien entendu, là ?

— qui sommes-nous pour ne pas pardonner, hein ?

je ne réponds pas.

— mais kamiya te voir ici ça me fais du mal. ça me rappelle tes fugues, ça me rappelle tous les tourments que tu nous a causés, toutes nos traditions souillées par ta nonchalance. ça me fais du mal. tu comprends ?

ShinkūWhere stories live. Discover now