je me suis endormie en comptant les billets un par un.
un goal de vie, je l'accorde.
j'aurais du être saucée mais je ne le suis pas. je culpabilise. cet argent n'est pas à moi c'est une chose. d'autant plus qu'il y a assez de thune pour que je me casse je-ne-sais-où, je-ne-sais quand pendant un petit moment.
j'suis tellement chamboulée que j'arrive même pas à réfléchir. au début je voulais garder ça pour moi mais impossible, il faut que je le dise à mam's.
je sors de ma chambre, apparemment il y a du people dans le salon, mais je sais que doum's n'est pas encore réveillé quand je lorgne sa porte entrouverte.
il déteste dormir la porte fermée, c'est comme ça que je sais s'il est là ou pas, du coup.
j'entre à petits pas puis chuchote doucement.
— mam's ? mam's ?
pas de réponse. je soupire.
un parcours du combattant pour le réveiller ce gars. il pourrait y avoir le feu à l'appart, une tornade ou un tremblement de terre qu'il ne bougerait pas d'un poil.
je me dirige alors vers sa table de chevet et y trouve un joint entamé. je m'empare du briquet, l'allume et tire une latte que j'expire délicatement non loin de son visage. et par miracle, ses yeux s'ouvrent.
— j'suis au paradis de la beuh ? dit-il le sourire aux lèvres.
— nan, t'es chez toi et il pleut.
— quelle vie de merde.
il couine puis s'étire.
— fais péter, dit-il en désignant le spliff du menton.
je secoue la tête et le lui tend.
— je sais que t'es encore dans le coaltar mais j'ai un truc à te dire. je commence en m'asseyant au bord du lit.
— qu'est-ce t'as foutu encore ?
— justement, rien.
un tire une taffe interminable puis me fais signe de continuer.
— balance.
— j'ai trouvé vingt mille balles dans le tableau que tu m'as donné !
je m'attends à une réaction mais au lieu de ça, il reste immobile et scrute le plafond.
— et donc ?
— comment ça, et donc ? c'est un truc de ouf, non ?
— c'est un petit paquet de thune qui fait plaiz', de quoi tu te plains ?
— c'est pas à moi mam's, wesh.
— c'est ton tableau donc si, c'est à toi.
je me relève brusquement et commence à faire les cent pas. c'est chelou qu'il le prenne comme ça. j'ai l'impression de l'emmerder plus qu'autre chose avec mes conneries.
— t'es con toi, et puis c'est quoi cette réaction, frère ? genre t'es pas du tout surpris ?
il ne répond pas et se frotte les yeux. mais bien sûr, c'est tellement évident.
— t'étais au courant, enfoiré ?
— c'est comme ça que tu traites un poto qui te donne vingt mille balles ?
je rigole mais c'est nerveux. impossible de faire plus je-m'en-foutiste que doum's. pas même moi.
— tu trouves ça moral ? je demande, ennuyée.
