Chapitre 3 : Jamie

134 35 5
                                    

Je suis intimement convaincu qu'il est possible de prédire qu'une journée sera merdique. Une sorte de sixième sens qui vient vous murmurer à l'oreille. Ne te mets pas trop à l'aise, une galère va te tomber dessus. Eh bien, ces derniers temps, mon sixième ne murmure pas. Il me crie dessus tous les jours.

Mon téléphone m'indique deux appels en absence de mon père. Il ne m'appelle que quand j'ai fait une énorme connerie ou que je suis sur le point d'en faire une. En ce moment, je suis sage comme une image. Ce qui signifie qu'il y a une autre raison. Et c'est encore plus effrayant.

Ce n'est pas pour autant que j'appuie sur la touche "Rappeler". Je vais continuer de faire l'autruche pendant encore une ou deux heures. Je sais, je sais. J'aggrave certainement mon cas. Mais très sincèrement, je ne vois pas ce qu'il pourrait inventer comme nouvelle punition. Il a déjà grillé toutes ses cartouches.

Je passe la porte du café à deux rues de chez moi pour acheter ma boisson quotidienne à emporter. Café noir, sans sucre. Non, je plaisante. Je ne suis pas un psychopathe. Enfin, pas à ce point-là. Je commande un chocolat chaud viennois. Vu de l'extérieur, tout le monde se dira que je suis un adulte qui ingurgite sa dose de caféine pour fonctionner correctement.

Tandis que j'attends ma commande au comptoir, je remarque une jolie fille du coin de l'œil. Elle blonde et ses yeux sont verts. Ou peut-être marrons. C'est dur à dire avec autant de lumière extérieure. Et j'aimerais éviter de la fixer du regard comme si j'étais un tueur en série à la recherche de sa prochaine victime. Elle se tourne vers moi avant que je puisse tourner la tête. Merde. Pour l'observation discrète, c'est raté.

Mais elle n'a pas l'air de me prendre pour un fou. Elle glisse une mèche de cheveux derrière son oreille et elle me sourit timidement. En réponse, je dégaine le sourire charmeur qui a connu plusieurs succès par le passé. Après un moment d'hésitation, elle s'approche de moi. Peut-être que cette journée ne sera pas si terrible, après tout.

— Salut, dit-elle d'une petite voix. Je m'appelle Lucy.

— Enchanté, Lucy, dis-je en reposant mon coude sur un tabouret de manière nonchalante. Moi, c'est Jamie.

— J'ai hésité à venir te parler. J'espère que je ne dérange pas.

— Absolument pas.

— C'est dingue, tu es vraiment beau en vrai.

Lucy accompagne cette remarque d'une observation de mon corps, de la tête aux pieds. J'ai l'impression d'être une vache au salon de l'agriculture. J'ai l'habitude des personnes qui ne passent pas par quatre chemins, mais je dois dire qu'elle surpasse tout le monde.

— Euh, merci, mais je... Comment ça, "en vrai" ? Si jamais quelqu'un avec ma tête t'a parlé sur une application de rencontres, ce n'était pas moi. Je sais que c'est très tentant d'usurper l'identité de quelqu'un d'aussi attirant, mais...

— C'est bien toi, non ? m'interrompt-elle de manière impolie. Le gosse de riche qui a eu des soucis avec la police à cause d'une fête qui a dégénéré. J'ai vu des photos de toi dans plusieurs magazines quand je suis allée faire des mèches l'autre jour.

Et c'est reparti pour un tour... Oubliez ce que j'ai dit. C'est bien une journée pourrie. Juste quand je croyais que cette histoire avait fini par se tasser, une cinglée qui passe trop de temps chez le coiffeur me ramène à la réalité. C'est pour cette raison que je n'engage pas la conversation avec d'autres êtres humains.

— Non, tu dois te tromper de personne, mens-je.

— Mais si, insiste Lucy. Les images n'étaient pas très flatteuses, mais je suis sûre que c'est toi.

Les assistantsWhere stories live. Discover now