Chapitre 41 : Alyssa

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SIX MOIS PLUS TARD


C'est incroyable de voir à quelle vitesse le temps passe. Vous faites des projets, ils se concrétisent, puis vous en faites de nouveaux. Un pas de plus chaque jour, et vous finissez par réaliser tout le chemin que vous avez parcouru en regardant furtivement par-dessus votre épaule. Je n'aurais jamais pensé me construire une vie stable et paisible. J'ai passé de nombreuses années à me convaincre que je n'avais pas le moindre avenir afin d'éviter les faux espoirs. Mais maintenant, j'ai mon permis d'enquêteur privé, je m'apprête à ouvrir ma propre agence, et je sors avec la fille la plus extraordinaire qui existe. C'est comme si tous mes rêves s'étaient réalisés avant même de s'être formé dans mon esprit.

Et si j'ai pu en arriver là, c'est notamment grâce à Eloise Lockhart et Evan. Il ne se passe pas un seul jour sans que je ne pense à eux. Un pincement au cœur devenu familier. Parfois, cette sensation s'accompagne d'un sentiment de culpabilité. Pourquoi ai-je le droit de continuer à vivre alors qu'ils en ont été privés ? Le docteur Buckley m'a assuré que c'était naturel de penser cela après ce qu'on a tous enduré. À chaque fois, elle me répond simplement qu'ils se sont sacrifiés pour nous donner la chance de vivre. Pour les honorer, il suffit de ne jamais oublier que la vie est précieuse et qu'il faut en profiter pleinement.

Ce conseil résonne encore plus en moi dès que je vois Thalia, la mère d'Evan. Son fils aîné nous a quitté de manière tragique et elle se bat contre la maladie, mais elle reste toujours souriante et bienveillante. Parfois, je passe à l'appartement pour les voir, elle et Lexie. Au début, j'avais peur d'imposer ma présence. Je n'étais pas sûre qu'elle veuille avoir un rappel constant de ce qui s'est passé. Mais dès que je ne venais pas pendant plus d'une semaine, Thalia m'appelait pour prendre de mes nouvelles ou pour nous inviter à dîner, Charlotte, Jamie et moi.

Aujourd'hui, je me glisse dans le parking de l'hôpital pour récupérer Thalia à la sortie de sa séance de dialyse. J'avance vers la même allée que d'habitude afin qu'elle n'ait pas trop à marcher. Je finis par trouver une place en double file pile au moment où elle s'approche de la voiture. 

Je peux voir sur son visage que la séance a été éprouvante. Des poches sont dessinées sous ses yeux, et son teint est plus pâle que d'ordinaire. Malgré tout, elle m'offre un grand sourire tout en me racontant une anecdote sur sa précédente journée de travail. Je l'écoute avec attention, puis je me mets à parler de mon propre travail. Enfin, des derniers détails à régler avant de lancer mon agence. Thalia me fait promettre de lui envoyer plein de photos lorsque les finitions seront terminées dans mes bureaux.

Nous sommes sur le point d'arriver à l'appartement quand une nouvelle chanson commence à la radio. Je ne suis pas certaine du titre, mais elle est interprétée par Imagine Dragons. Le groupe préféré d'Evan. À chaque fois qu'il choisissait la musique dans la voiture, c'était inévitable qu'il lance l'un de leurs morceaux. Il rêvait de les voir en concert depuis des années, mais il n'en a jamais eu l'occasion. Je sens à nouveau le fameux pincement au cœur. Je fais de mon mieux pour ne pas croiser le regard de Thalia, mais ce n'est visiblement pas suffisant. Elle pose une main sur mon bras.

— Ce sont toujours les petites choses qui vous rappellent ceux que vous avez perdu, dit-elle d'une voix incroyablement douce. Ça nous rend tristes sur le moment, mais c'est une bonne chose. Ça signifie qu'on ne les oublie pas. Que notre amour pour eux est toujours aussi fort.

Les mots de Thalia n'aident pas vraiment à chasser la nostalgie, mais c'est exactement ce que j'avais besoin d'entendre. Je suis tout de même un peu embarrassée d'être celle qui a besoin de réconfort de la part de la femme qui a perdu son enfant.

Les assistantsحيث تعيش القصص. اكتشف الآن