Chapitre 10 : Charlotte

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Au rez-de-chaussée, tout le monde s'agite comme s'ils étaient en train de reconstituer le naufrage du Titanic. Les serveurs transportent les hors-d'œuvre jusqu'au buffet, les domestiques se débarrassent des dernières traces de poussière, et les cuisiniers s'attèlent à la confection des plats chauds. J'entends des flûtes en cristal s'entrechoquer et des bouchons de champagne se séparer de leur goulot. Il ne manque plus que les invités, et la fête pourra commencer.

J'ai revêtu ma longue robe rose poudré avec deux heures d'avance car Laurel ne me laissait pas respirer. Ma coiffure et mon maquillage m'ont pris une demi-heure supplémentaire. Et maintenant, j'erre les couloirs de ma maison sans réel but. Je n'ose pas me poser où que ce soit, par peur de déranger le pauvre personnel qui doit déjà supporter les remarques incessantes de Laurel.

Lorsque je descends les escaliers, je décide d'aller attendre dans le bureau de mon père. Je sais qu'il aime s'isoler là-dedans avant ce type de soirée. Le calme avant la tempête, dit-il toujours. Mais visiblement, la tempête s'est infiltrée dans son havre de paix. Avant même d'atteindre la poignée de la porte, j'arrive à distinguer des éclats de voix provenant de l'intérieur.

Je m'apprête à rebrousser chemin quand ma belle-mère sort en trombe de la pièce. Elle m'accorde à peine un regard avant de foncer vers deux serveurs qui ont eu le malheur de se trouver dans sa ligne de mire. Laurel leur reproche de ne pas avoir des nœuds papillon assez droits. Et elle n'hésite pas à se montrer désobligeante. Quelque chose me dit qu'elle passe ses nerfs sur eux, à défaut de pouvoir le faire sur mon père.

— Ma chérie, dit mon père en me voyant rôder près de la porte. Je suis content de te voir avant la fête. Tu es vraiment ravissante.

— Merci, papa. Tu n'es pas trop mal non plus.

En réalité, il est très distingué, comme toujours. Il a enfilé un nouveau costume bleu marine qui fait ressortir la couleur de ses yeux. Le style parfait pour un patron charismatique, mais tout de même accessible. Mon père me sourit timidement, et je devine que le stress s'est déjà emparé de lui. Est-ce à cause de l'enjeu de cette soirée ou de la dispute maritale à laquelle je viens d'assister ?

— Qu'est-ce qui lui arrive ? demandé-je avec un petit mouvement de tête en direction de Laurel. La femme de ménage n'a pas suffisamment astiqué ses diamants ?

Mon père me lance un regard de désapprobation. Je ne peux pas me moquer de Laurel devant lui, même quand ils sont en désaccord. C'est bien dommage, car j'ai une liste de blagues assez conséquente à propos de ma belle-mère.

— Ne sois pas trop sévère avec elle, dit mon père. Elle t'aime beaucoup, tu sais. Et elle veut ce qu'il y a de mieux pour nous. C'est juste qu'elle est parfois maladroite. Elle pense que cette enquête risque de nous causer plus de peine qu'autre chose. Et elle trouve que la récompense que j'offre est trop conséquente, que ça poussera les gens à essayer de me duper avec de fausses informations.

Je ressens le besoin instinctif de me mettre sur la défensive.

— L'équipe de Lockhart ne ferait jamais ça ! dis-je, avec plus de véhémence que prévu. Ils veulent découvrir la vérité, tout comme nous.

— Pas exactement comme nous, Charlotte. Je sais que tu as tendance à voir le bon côté des gens, mais il faut que tu te souviennes qu'ils font ça pour l'argent. Je suis sûr que Lockhart a engagé des personnes consciencieuses et compétentes, mais ils ne connaissaient pas Rachel. Toute la différence est là.

Je ne peux pas le contredire sur ce point. Il est vrai que les autres assistants ne sont pas là pour venger la mort de ma sœur. Néanmoins, je sais qu'ils feront de leur mieux pour trouver son meurtrier. Je ne peux pas en demander plus.

Les assistantsWhere stories live. Discover now