Les assistants

Chapitre 40 : Charlotte

TROIS SEMAINES PLUS TARD

C'est la première fois qu'Alyssa et Jamie remettent les pieds ici depuis cette terrible nuit. À vrai dire, mon père est la seule raison pour laquelle je n'ai pas fui le manoir comme la peste, moi aussi. Lorsqu'il a appris tout ce qui s'est passé, il a reçu un énorme coup de massue. Sa femme a tué l'une de ses filles, la femme qu'il aimait et Evan, tout ça avant de mourir elle-même. J'ai évité d'aborder le sujet de sa liaison avec Lockhart, car je ne saurais pas quoi lui dire. Tout ce que je sais, c'est qu'elle comptait énormément pour lui depuis longtemps et qu'il l'a perdu. Mon père avait besoin d'énormément de soutien pour traverser tout cela. J'en avais également besoin, mais Alyssa et Jamie étaient là pour moi à n'importe quelle heure de la journée. 

En plus de cela, j'ai programmé des séances bien plus régulières avec ma psychothérapeute. En dépit de son scepticisme, Alyssa a aussi commencé à la voir. Notre tentative de convaincre Jamie de faire de même n'a pas encore rencontré un franc succès, mais nous n'abandonnons pas. Nous avons assisté à deux enterrements à quelques jours d'intervalle. Et nous avons traversé plus de traumatisme en un mois que la plupart des gens dans toute une vie. On ne manque donc pas de sujets de discussion avec le Dr. Buckley.

L'affaire des meurtres de Rachel et Eloise Lockhart a été officiellement classée par le département de police de Philadelphie. Personne ne fait l'objet de poursuites judiciaires. Pas même Jonas, Rebecca ou Desmond. Nous avons décidé que suffisamment de vies avaient été détruites dans toute cette histoire, et qu'il était donc inutile de tout raconter à la police. Tout ce qu'ils ont besoin de savoir, c'est que Laurel était coupable des deux crimes.

L'inspectrice Mendoza est venue annoncer la nouvelle à mon père en personne. Malgré ma présence dans la pièce, elle n'a pas pris la peine de s'excuser pour la manière dont elle a géré l'enquête. C'est une bonne chose qu'Alyssa n'ait pas été là. Elle aurait probablement voulu lui coller une ou deux gifles. J'en ai eu envie aussi, pour être tout à fait honnête. Si elle avait fait son boulot correctement au lieu d'être rancunière envers Alyssa, Evan ne serait peut-être pas mort à l'heure qu'il est. Il y a de quoi être furieux.

Je retrouve Alyssa et Jamie devant la maison. Je peux lire une certaine appréhension sur leur visage, mais mon père a souligné l'importance de cette entrevue. J'embrasse Alyssa et j'offre une petite tape amicale sur l'épaule de Jamie pour les saluer. C'est toujours aussi étrange de ne pas avoir Evan à nos côtés. Parfois, quand nous sommes réunis tous les trois, je me surprends à le chercher du regard. Je m'attends presque à ce qu'il surenchérisse sur une blague de Jamie, à l'entendre éclater de rire, ou encore réciter du jargon informatique incompréhensible.

Il me manque beaucoup.

Alyssa n'a pas encore parlé de ses sentiments concernant sa mort. Pas à nous, en tout cas. Je pense qu'elle n'a pas encore la force d'affronter un autre deuil pour le moment. Cependant, elle a insisté pour récupérer le journal dans lequel Evan avait noté les noms de toutes les personnes à qui il avait soutiré de l'argent. Elle compte les rembourser un à un, car c'est ce qu'Evan voulait faire dès qu'il aurait touché sa part de la récompense. Je trouve que c'est un très beau geste, mais je sais parfaitement qu'Alyssa n'en sera pas satisfaite. Elle continuera de chercher d'autres moyens d'honorer sa mémoire. Et Jamie et moi avons prévu de lui apporter notre soutien inconditionnel. Evan mérite qu'on se souvienne de lui.

— Ton père t'a dit pourquoi il voulait nous parler ? demande Jamie tandis que nous avançons dans le vestibule.

— Aucune idée, admets-je. Mais il a beaucoup insisté pour que ce soit en face-à-face.