Les assistants

Chapitre 16 : Alyssa

Quand l'heure vient, j'avance vers le bureau de Lockhart afin de faire mon rapport journalier. Grâce à Jamie, j'ai un nouvel élément à lui présenter. Ces derniers jours, j'étais un peu angoissée à l'idée de venir les mains de vides, mais aujourd'hui, je me sens plus légère en approchant de la porte à double battant. La main sur la poignée, j'entends des éclats de rire à l'intérieur de la pièce. C'est si inhabituel d'entendre ma patronne rire que j'ai un instant d'hésitation. Je frappe doucement à la porte avant de l'entrouvrir.

Lorsque le regard de Lockhart rencontre le mien, son sourire s'estompe un peu. Elle s'avance dans son siège et s'éclaircit la gorge.

— Je vais devoir te rappeler, dit-elle à son correspondant. Très bien, à plus tard.

Lockhart met fin à son appel, puis elle place son téléphone portable face cachée sur son bureau. Son attitude sereine et élégante est de retour. Elle me fait signe d'approcher. Je m'installe alors dans le même siège que d'habitude, enveloppée par la chaleur provenant des flammes sur ma gauche. Dès que la température descend en dessous de cinq degrés, Lockhart allume un feu de cheminée. Elle pourrait tout aussi bien ajouter des couches de vêtements, mais elle refuse catégoriquement de ressembler au Bonhomme Michelin. Ce sont ses mots, pas les miens.

Sans attendre plus longtemps, je lui raconte ce que Jamie a appris lors de son dîner avec Matthias. Et la mission à l'ordre du jour.

— Nous allons repérer les lieux, annoncé-je. Et il y a un petit hôtel dans la même rue. J'ai prévu de réserver une chambre pour qu'on puisse surveiller la fabrique à distance, sans risque d'être repéré.

Lockhart ne répond rien pendant plusieurs secondes. Les doutes sur ma façon d'appréhender la situation grandissent dangereusement. Je m'apprête à exprimer ces doutes à voix haute quand un sourire se forme sur le visage de ma patronne.

— Quoi ? demandé-je.

— Rien du tout, répond Lockhart. C'est exactement ce que j'aurais fait à ta place. Tu t'en sors à merveille, Alyssa. Je savais que tu étais prête à voler de tes propres ailes.

— C'est un compliment pour moi ou pour vous-même ?

— Un peu des deux.

J'essaye de me montrer modérée dans ma réaction, mais les paroles de Lockhart me touchent énormément. Cette femme que j'admire depuis des années estime que mon travail est à la hauteur de tout ce qu'elle m'a appris. Je ne peux pas imaginer de plus belle éloge.

J'aimerais trouver les mots pour exprimer toute ma gratitude, pour lui dire qu'elle a changé ma vie, qu'elle m'a sauvée. Mais je ne suis pas douée pour dire ce que je ressens. Je me contente donc de sourire et de la remercier timidement.

Pour plus d'efficacité, je décide de diviser l'équipe en deux. Tandis que j'envoie Jamie et Evan à la fabrique désaffectée, Charlotte et moi nous dirigeons vers l'hôtel, moins de cinq cents mètres plus loin. Le bâtiment possède dix étages et la plupart des fenêtres offrent une vue sur le lieu de rendez-vous potentiel de la société secrète. Afin de faciliter les choses, je demande une chambre au dernier étage.

Lorsque la réceptionniste nous demande combien de temps nous comptons rester, ma réponse est déjà prête. Trois nuits. La prochaine réunion du mystérieux groupe aura lieu après-demain, à vingt-deux heures. Le regard de la réceptionniste passe furtivement de Charlotte à moi, à deux reprises. Elle tapote sur son clavier et déniche une chambre répondant à nos critères. En nous tendant la clé, elle sourit de toutes ses dents et nous souhaite un bon séjour.

Nous sommes presque arrivées aux ascenseurs quand Charlotte se penche vers moi, comme si elle allait me révéler un secret.

— Elle pense qu'on est en couple, dit-elle à voix basse. La fille de l'accueil.