Chapitre 26 : Alyssa

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SIX ANS PLUS TÔT


Chaque client qui passe la porte du restaurant est un pigeon potentiel. Je lève les yeux de mon repas à peine entamé afin de déterminer lequel d'entre eux ferait une cible à la hauteur. Les jeunes qui viennent commander à manger entre deux cours n'ont pas assez d'argent. Les enfants agités m'empêchent d'accéder à leur parent en toute discrétion. Une fois que le processus est enclenché, je ne peux plus faire marche-arrière. Je dois choisir judicieusement.

Au bout d'une demi-heure d'observation, une femme d'une quarantaine d'années fait son entrée dans le restaurant. Elle porte une paire de lunettes de soleil, des talons aiguilles, et un tailleur-pantalon bleu marine qui épouse sa silhouette à la perfection. Ajoutez à cela le sac de marque perché sur son épaule et vous avez toutes les caractéristiques d'une femme aisée. Je crois bien avoir trouvé ma cible.

Je laisse mon dernier billet froissé dans le coin de la table pour payer mon repas, puis je me dirige vers la femme. Elle fait la queue pour passer commande au comptoir, ce qui me donne l'opportunité de passer près d'elle sans éveiller les soupçons. Je glisse mes cheveux blonds argenté sous la capuche de ma veste pour être moins facilement identifiable. Je regarde droit devant moi, accélérant le rythme de mes pas comme si j'étais pressée. En un tour de main, je bouscule la femme, je glisse une main dans son sac et j'attrape un trousseau de clés.

— Oh, je suis vraiment désolé ! m'exclamé-je avec un excès de politesse. Il faut vraiment que j'apprenne à regarder où je vais. Je suis en retard pour mon train.

— Pas de problème, répond la femme. Ça arrive à tout le monde.

— C'est gentil de votre part. Bonne journée à vous. Et encore désolé.

Je sors du restaurant d'un pas toujours aussi pressé. Je me retourne discrètement pour vérifier que la femme n'a rien remarqué d'étrange, puis j'avance le long du trottoir. Les clés que j'ai subtilisées sont celles d'une Audi. J'essaye de repérer la voiture aussi vite que possible. Je veux être déjà loin lorsque ma cible se rendra compte de l'absence de ses clés.

Je trouve la bonne voiture de l'autre côté de la rue, garée en créneau. Je me glisse dans le siège conducteur sans attendre. L'odeur dans l'habitacle me laisse penser que le véhicule est neuf. Tant mieux. Je pourrai en tirer un meilleur prix. Ça me permettra de survivre pendant quelques semaines, sans me demander constamment comment faire pour trouver de quoi me nourrir. Je pourrai même trouver un endroit confortable où dormir. Les refuges pour jeunes en difficulté et les bâtiments à l'abandon perdent vite leur charme. Particulièrement quand la température s'approche de zéro.

Je suis en train de glisser les clés dans le contact quand la porte côté passager s'ouvre brusquement. Mon cœur fait un bond, mais je n'ai pas le temps de réagir avant que la femme ne se glisse dans le siège à côté de moi. Contrairement à moi, elle a l'air terriblement calme. Ce n'est pas à quoi on s'attend de la part d'une victime de vol.

Je commence à imaginer plusieurs issues à cette situation. Je pourrais tenter de fuir, mais je n'irais pas bien loin à pied. Je me vois déjà derrière les barreaux, incapable de payer le moindre avocat compétent. J'aurai un casier judiciaire qui me suivra jusqu'à la fin de ma vie. Merde, je ne suis qu'une idiote.

— C'était un tour de passe-passe assez habile, commente la femme à ma grande surprise. Un peu cliché, mais tu es plutôt douée. Je n'ai quasiment rien remarqué.

— Euh ? rétorqué-je avec une élocution phénoménale.

— Mais tu as fait deux erreurs. Numéro un : tu m'as présenté des excuses trop gentiment. La plupart des gens sont des abrutis. Quand ils heurtent quelqu'un, soit ils font semblant de n'avoir rien vu, soit ils vous reprochent de ne pas faire assez attention. Et numéro deux : tu as donné trop de détails. Ça rend toujours un mensonge moins crédible.

Les assistantsWhere stories live. Discover now