Les assistants

Chapitre 32 : Evan

Dès que mon service se termine, je passe chercher Lexie à l'école. Sur le chemin du retour, je décide de m'arrêter pour qu'on puisse s'acheter une glace. Ma petite sœur me raconte sa journée en détail : son contrôle de maths, le documentaire que sa classe a visionné, et le jeu qu'elle a gagné à l'heure de la récréation. La vie d'une fillette de dix ans n'a rien de particulièrement palpitant, mais je pourrais l'écouter parler pendant des heures. L'enthousiasme avec lequel elle raconte ses histoires me met du baume au cœur. L'espace d'un instant, j'oublie tous mes problèmes et je cesse de m'inquiéter de l'avenir. C'est un moment de bonheur, purement et simplement.

Avant que je ne la dépose à l'appartement de ma mère, Lexie me rappelle qu'on doit aller voir les pingouins au zoo. Évidemment, elle ne perd jamais le nord. Je lui promets à nouveau qu'on s'y rendra très bientôt, dès que j'aurais un peu plus de temps libre. Elle dépose un baiser sur ma joue et elle se précipite vers sa chambre pour jouer avant le dîner. Ma mère rentrera du travail dans environ deux heures. En attendant, je m'installe dans le salon, décidé à m'attaquer à quelque chose qui me trotte dans la tête depuis hier.

Même si Alyssa n'est pas prête à m'adresser la parole, ça ne signifie pas que je ne peux pas aider à résoudre l'enquête. Ça ne fera peut-être pas disparaître la douleur d'Alyssa, mais je ferai tout ce que je peux pour l'aider à l'apaiser. Le moins que je puisse faire pour me faire pardonner, c'est de trouver la vérité. Les menaces du meurtrier sont toujours comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Nous ne serons jamais en sécurité tant que cette personne sera dans la nature. Mais je dois agir discrètement pour ne pas mettre ma famille en danger.

Sur mon ordinateur, j'ouvre le fichier qui contient tous les éléments de l'enquête jusqu'ici. Je passe tout en revue, espérant voir les choses avec un regard neuf. Mais ce puzzle ne semble pas vouloir coopérer avec moi. Tout ce que j'y gagne, c'est un début de mal de tête à force de fixer l'écran.

Au bout d'une heure, je m'attaque aux photos de la soirée de Noël. Je les ai déjà examinées au début de l'enquête, tout comme les autres assistants, mais c'est la dernière branche à laquelle je peux me raccrocher pour le moment. Et c'est une branche remplie de gens riches portant des tenues et des bijoux plus ostentatoires les uns que les autres. Ma démarche devient lassante au bout du cinquante-et-unième sourire hypocrite, mais je continue malgré tout.

Le clic de ma souris est le seul son dans la pièce. Je fais défiler les images en me concentrant cette fois sur tout ce qui ne saute pas immédiatement aux yeux. Je suis presque arrivé à la dernière photo quand quelque chose attire mon attention. Au premier plan, Victor Parks prend la pose avec un homme dans la même tranche d'âge que lui. Ils sont pressés l'un contre l'autre, et ils arborent un grand sourire. À l'arrière-plan, on peut voir des groupes d'invités un peu flous, mais également des membres de l'équipe du traiteur. L'un d'eux est un grand brun en costume trois-pièces, dos à l'objectif. J'ignore pourquoi, mais sa silhouette m'intrigue. J'ai l'impression de l'avoir déjà vu.

En zoomant l'image au maximum, je découvre la raison derrière cette impression. Sur la main qui tient un plateau de petits fours, j'aperçois des pétales de rose. Un tatouage dessiné à l'encre noire. Et pas n'importe lequel. Celui de Jonas, l'ex-petit ami de Rachel.

Depuis tout ce temps, nous ne le considérions pas comme un suspect parce qu'il n'était pas chez les Parks ce soir-là. Visiblement, il a trouvé le moyen de s'incruster aux festivités en toute discrétion. Et personne n'a remarqué sa présence jusqu'ici.

Je suis bien placé pour le savoir, après tout... Personne ne prête jamais attention au serveur.