Chapitre 25 : Charlotte

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C'est une histoire de dingue. Même après les explications d'Alyssa, je ne suis toujours pas sûre de comprendre ce qui se passe. J'ose à peine bouger. La vue du corps de Lockhart est insoutenable. Elle est étendue par terre, les vêtements imbibés de rouge. Autour d'elle, la mare de sang ne cesse de s'agrandir. Comment une personne peut-elle autant saigner ?

Alyssa se tient au-dessus de sa patronne, les yeux rouges et la respiration rapide. Je tente de la rassurer pour prévenir une crise de panique imminente. Peu importe ce qu'on dit, elle ne veut pas lâcher le tisonnier. Je peux lire la peur dans son regard. Ça me brise le cœur qu'elle ne se sente pas en sécurité avec nous, mais je ne peux pas lui reprocher.

— Je veux une réponse ! s'exclame-t-elle d'une voix étranglée. Qui a placé le micro ?

Silence dans la pièce. Même les sons de respiration sont à peine audibles. Aucun de nous n'a été préparé pour ce genre de situation. Nous sommes tous dépassés.

— Alyssa... dis-je aussi calmement que possible. Je crois qu'il y a un malentendu. Ce n'est pas...

— C'était moi, m'interrompt soudain Evan. J'ai mis le micro dans le bureau de Lockhart.

Tout le monde se tourne vers lui comme si ses mots nous avaient brûlés. Je n'arrive pas à y croire. Il me faut un instant pour m'ajuster à cette nouvelle réalité. J'espérais sincèrement que ce n'était qu'une erreur. Mais Evan vient d'admettre avoir mis l'enquête en péril.

Lorsque je tourne la tête, je vois l'expression d'Alyssa passer de la stupéfaction à la colère. Non, pas simplement de la colère. Quelque chose de plus fort. Dans un accès de rage, Alyssa s'approche dangereusement d'Evan, le tisonnier levé. Ce dernier sursaute, convaincu comme moi qu'elle va le frapper. Alyssa pousse un cri jusqu'à ce que son arme rencontre l'une des parois qui délimitent la pièce. Le verre se brise en mille morceaux dans un fracas épouvantable.

J'entends mon cœur battre dans mes oreilles. Je reste immobile, attendant que quelqu'un se décide à rompre ce silence terrifiant. À ma grande surprise, Alyssa est la première à réagir.

— Pourquoi ? demande-t-elle, visiblement épuisée.

— Je n'avais pas le choix, répond Evan, la voix tremblante. J'ai... Quelqu'un m'a contacté quelques jours après le début de l'enquête. Un numéro masqué, probablement un téléphone prépayé. Il m'a demandé de placer un micro ici pour avoir des nouvelles de nos progrès. Au début, je croyais que c'était une plaisanterie de mauvais goût, mais...

Evan tourne la tête un instant, mais je pourrais jurer avoir aperçu des larmes se former dans ses yeux. Il ne parvient pas à nous regarder en face, même après avoir pris une longue inspiration.

— Il m'a envoyé un autre message, reprend-il finalement. Il disait que si je n'obéissais pas, ou si je demandais de l'aide à qui que ce soit, ma mère et ma sœur allaient en payer le prix.

— Tu aurais dû venir nous en parler, intervient Jamie. On aurait pu trouver une solution. On aurait pu aller voir la police...

— J'ai essayé d'aller au poste de police. Je n'ai même pas eu le temps de parler à qui que ce soit avant de recevoir d'autres menaces. Il y avait des photos de ma mère au travail, au supermarché, de Lexie à l'école... J'ignore qui est cette personne, mais il les a traquées et il a repéré toutes leurs habitudes. Je... Risquer ma propre vie, ce n'était pas un problème, mais je n'étais pas prêt à mettre ma famille en danger. Alors j'ai fait ce qu'il m'a demandé. Je suis vraiment désolé.

Il me faut un instant pour digérer ces informations. Je me doutais qu'il y avait une motivation derrière cette trahison. J'aurais dû me douter que le meurtrier de Rachel était capable de tout pour ne pas être démasqué. La preuve de sa cruauté gît sur le sol à moins d'un mètre de nous. Seigneur, dans quoi nous sommes-nous embarqués ?

— Donc tu voulais qu'on échoue depuis le début ? demande Alyssa, la voix remplie de déception.

— Je vous promets que non, répond Evan avec ferveur. Je ne suis pas l'ennemi. Au contraire, j'ai essayé de gagner du temps. Le tueur voulait que je place d'autres micros, mais j'ai prétendu que vous ne me laissiez jamais seul. J'espérais qu'on arriverait démasquer cet enfoiré avant que...

— Avant que quelqu'un ne finisse à la morgue ? C'est trop tard pour ça !

Un autre regard en direction de Lockhart me donne presque la nausée. On ne peut plus rester plantés là pendant que les dernières couleurs quittent son corps. Malgré les frissons d'inquiétude qui me traversent, j'attrape mon téléphone.

— J'appelle les secours, dis-je avec une assurance que je ne ressens pas. On pourra débattre de tout ça une fois que la police sera au courant de tout.

— On ne peut pas tout leur dire, objecte Jamie. S'ils découvrent le chantage et que ça remonte aux oreilles du tueur, la famille d'Evan sera en danger. Pas vrai ?

Aucun de nous n'a le temps de formuler la moindre réponse. Alors que mon doigt survole les touches de mon téléphone, la porte de la cage d'escalier s'ouvre brusquement sur notre gauche. Nous nous tournons vers le petit groupe en uniforme qui vient de débarquer.

— Police de Philadelphie ! s'exclame l'un des officiers en dégainant son arme de service. Mettez vos mains en évidence !

Nous nous exécutons sur-le-champ. Un autre officier nous dévisage tour à tour, jusqu'à ce que son regard se pose sur Alyssa.

— Lâchez votre arme ! ordonne-t-il férocement.

Alyssa laisse tomber son tisonnier et lève les mains à son tour. Nous essayons d'expliquer la situation tant bien que mal, mais rien n'y fait. Une fois que les policiers repèrent la scène de crime derrière nous, ils ne mettent pas longtemps à décider de la suite des événements.

Cinq minutes plus tard, nous nous retrouvons à l'arrière d'une voiture de patrouille, en route pour le poste de police.

Les assistantsWhere stories live. Discover now