Les assistants

Chapitre 4 : Evan

Quand on est pris à la gorge, c'est là qu'on se rend compte de quoi on est réellement capable. Je ne suis pas une mauvaise personne. Du moins, j'espère ne pas l'être. Mais j'ai commis des erreurs par le passé. Et je continue d'en commettre. Ces choses-là ont tendance à avoir un effet boule de neige. Tout débute toujours par une simple phrase. Au point où j'en suis...

En ce qui me concerne, ce fameux point a plusieurs noms : pétrin, galère, bourbier. Sélectionnez votre préféré. Et pour m'en sortir, je dois faire ce qui est nécessaire. Même si je n'en suis pas fier.

Quand je vérifie l'heure sur mon téléphone, mon fond d'écran me rappelle pourquoi je continue d'avancer. C'est une photo de ma mère et moi. Nous sommes penchés de chaque côté de ma petite sœur, Lexie, qui est sur le point de souffler les bougies perchées sur son énorme gâteau d'anniversaire. Elle venait d'avoir huit ans sur cette photo. Maintenant, elle a dix ans et un quart. Ne lui dites surtout pas que ça ne sert à rien de compter les quarts d'années. Elle risquerait de vous forcer à vous asseoir sur le canapé du salon pendant plus d'une heure afin d'écouter sa présentation sur l'importance de l'âge exact. C'est une histoire vraie.

Je balaye les alentours d'un regard anxieux. Ma jambe s'agite sans demander la permission à mon cerveau. Il est bientôt l'heure du rendez-vous. Jusqu'ici, je n'ai vu que des personnes qui ne sont pas celles que j'attends. Des mères de famille promenant leurs chérubins dans des poussettes, des joggeurs couverts de transpiration et des banlieusards en chemin vers leurs bureaux. Une matinée typique dans un parc en plein centre-ville.

Mon opération surveillance est interrompue par l'arrivée d'un message. Ma mère me demande si je peux aller récupérer Lexie à l'école ce soir, car elle sera coincée au travail. Je dois faire le service de midi au restaurant dans lequel je travaille, et je suis censé attendre un autre dépôt à quinze heures trente. Cela risque d'être un peu juste, mais je ne peux pas me permettre de refuser. Je tape ma réponse. Aucun problème. Je m'assurerai qu'elle fasse ses devoirs et je m'occuperai du dîner.

Moins de trente secondes plus tard, ma mère envoie un nouveau message : Merci, mon trésor. Tu es un ange !!

Non, maman, je suis loin d'être un ange. Mais espérons qu'elle n'aura jamais à le découvrir. Je range mon téléphone pour me concentrer sur la mission en cours. Il me faut encore attendre une bonne dizaine de minutes avant d'apercevoir la silhouette de Kate Avila entre les rangées de chênes. Elle regarde autour d'elle, à la fois pour s'assurer de ne pas être vue et pour essayer de me voir. Enfin, pas moi spécifiquement, puisqu'elle ne m'a jamais rencontré. Mais elle cherche à mettre un visage sur les messages anonymes que je lui ai envoyés.

De prime abord, Kate Avila est une secrétaire médicale de trente-quatre ans, mariée, avec deux enfants. Tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Cependant, s'il y a bien une chose que j'ai apprise, c'est que les personnes qui paraissent ordinaires ne le sont que très rarement. Tout le monde a quelque chose à cacher. Des secrets qui varient en tailles, mais qui ont toujours un point commun : ceux qui les gardent sont prêts à tout pour qu'ils ne soient pas dévoilés.

Une fois que vous avez infiltré le téléphone de quelqu'un, il devient très facile de dénicher ces fameux secrets. Peu importe à quel point les gens pensent être prudents, il restera systématiquement des traces. Et, en réalité, le commun des mortels a tendance à croire que leurs téléphones et leurs ordinateurs portables sont invulnérables. Je ne suis pas quelqu'un de si important. Qui pourrait bien vouloir me pirater ? La réponse à cette question est simple : moi.

Il m'a fallu moins d'une heure pour cerner Kate, après avoir accédé à son téléphone. J'ai vu quelles étaient ses habitudes, ses goûts musicaux, qui étaient ses amis proches et qui elle détestait secrètement. Mais par-dessus tout, j'ai découvert le secret qu'elle dissimulait à presque tous ses proches, et plus particulièrement à son mari. Il y a six mois, Kate a perdu pas loin de dix mille dollars à des jeux d'argent en ligne. D'après les relevés bancaires que j'ai pu dénicher, il semblerait que ce ne soit pas un problème sans précédent. À une certaine époque, son mari et elle ont bien failli perdre leur maison.