Chapitre 11 : Alyssa

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Après une bonne demi-heure à se mélanger aux invités, je ne suis pas vraiment plus avancée. Puisque Jamie continue de rôder autour de moi, tout en me lançant des regards hésitants, je lui propose d'unir nos forces. C'est une décision purement stratégique. Ce n'est pas du tout parce que j'apprécie sa compagnie. J'ai toujours envie de l'étrangler la moitié du temps.

Nous échangeons des banalités avec quelques personnes sélectionnées au hasard. Dès qu'un lien de confiance est installé, nous amenons le sujet de la soirée de Noël. Ils nous disent tous approximativement la même chose. C'est terrible ce qui est arrivé. Cette pauvre Rachel... C'était une jeune fille si gentille. Nous vivons dans un monde cruel. Rien de bien utile.

Alcool aidant, beaucoup d'invités finissent par jaser sur d'autres personnes présentes ce soir. Bien entendu, ils utilisent des euphémismes et des sous-entendus, car la médisance est acceptable du moment que vous ne dîtes pas réellement les choses. Jamie se fait un malin plaisir à tout de me traduire grâce à son manuel du petit garçon riche. Je dois l'admettre : il est très à l'aise dans ce milieu. Il parvient à feindre un intérêt pour tout ce qu'on lui raconte, sans jamais donner l'impression de jouer un rôle. Grâce à lui, j'apprends que Brian Vazquez trompe sa femme, que le mari de Janice Howell est probablement gay, et que le fils aîné des McCaffrey est addict à la cocaïne.

— En quoi ça nous aide, tout ça ? finis-je par demander.

— Ça n'aide pas, admet Jamie. Mais c'est quand même très drôle d'entendre leurs potins.

Lorsque je propose d'aller parler à une femme en combinaison bariolée, Jamie fait une grimace.

— On ne peut pas lui faire confiance, dit-il d'un ton assuré.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Parce qu'il est impossible de se fier à quelqu'un qui s'habille comme ça de son plein gré. Et c'est sans parler de ses chaussures... On dirait un clown sur le point de jongler.

Je me trouve coincée entre le rire et l'exaspération. Je crois que c'est mon mode par défaut quand je suis avec Jamie Dellinger. Mais ça ne m'empêche pas de rester concentrée sur notre mission. Du coin de l'œil, je repère un homme d'une quarantaine d'années, accompagné d'une jeune fille d'environ vingt-cinq ans. D'après les descriptions de Charlotte, je devine qu'il s'agit de son oncle et de sa cousine. Il me faut un instant pour me remémorer les notes que j'avais prises à leur sujet.

Desmond Lang, frère de la défunte mère de Charlotte et seconde épouse de Victor Parks. Il est avocat pénaliste et associé dans un cabinet réputé. C'est un homme aux tempes légèrement grisonnantes et aux yeux marrons. Rebecca Lang, cousine des sœur Parks, bien qu'elle n'ait pas de liens de parenté direct avec Rachel. Elle étudie dans la même université que Rachel et Jonas, où elle tente d'obtenir un diplôme d'ingénieure. Ses cheveux ébène sont attachés en chignon, ce qui met en valeur la structure ovale de son visage. Ce sont sûrement les personnes ici qui étaient les plus proches de Rachel.

Je mets Jamie au parfum, puis nous nous dirigeons vers la cible pour un petit interrogatoire déguisé en conversation banale. Jamie adopte une démarche détendue et gracieuse, comme s'il était dans son habitat naturel. J'essaye de l'imiter du mieux que je peux, sans grande conviction. C'est la première fois que je me retrouve entourée par autant de membres de la classe moyenne supérieure, et j'ai l'impression d'être un poisson rouge qui essaye de nager en dehors de son bocal.

— Maître Lang ? demande Jamie d'un faux ton surpris. Il me semblait bien vous avoir reconnu. Je suis Jamie Dellinger. Frank est mon père. On s'est rencontré plusieurs fois, mais j'imagine que vous voyez beaucoup de visages.

Les assistantsWhere stories live. Discover now