Chapitre 29 : Evan

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Je n'arriverai pas à les regarder en face. Peu importe les choses horribles qu'ils ressentent à mon égard, il est certain que j'ai déjà pensé pire. Faible. Menteur. Bon à rien. Je suis celui qui est incapable d'aider sa famille comme ils le méritent. Je suis celui qui a trahi la confiance des seules personnes qu'il pouvait appeler ses amis. Et même après avoir été poignardés dans le dos, ils ont trouvé la force de ne pas me dénoncer à la police. S'ils l'avaient fait, mon interrogatoire aurait été beaucoup moins courtois. Je me doute bien qu'ils n'ont pas gardé le silence pour me rendre service, mais leur loyauté me donne tout de même un vif pincement au cœur.

Une fois que l'avocat envoyé par M. Parks me libère de la petite salle dans laquelle j'étais coincé depuis des heures, je réalise que je n'ai pas d'endroit où aller. Je ne peux pas continuer de profiter de l'hospitalité de Jamie et sa sœur. Pas après ce que j'ai fait. Et je ne veux pas raconter ce qui s'est passé à ma mère. Elle fait déjà face à beaucoup de stress. Ça pourrait aggraver son état de santé déjà fragile. Il n'y a plus de place dans son appartement, de toute manière. J'imagine que je vais devoir recommencer à dormir dans ma voiture. Cette perspective ne m'enchante vraiment pas, mais peut-être que c'est tout ce que je mérite.

Lorsque je vois les autres assistants à l'accueil du poste, mes jambes s'arrêtent net. Il n'est pas question que je leur impose ma présence avant qu'ils soient prêts. Je reste planté dans le couloir comme un imbécile, attendant qu'ils soient partis pour me diriger vers la sortie. À ma grande surprise, je vois Jamie avancer vers moi. L'expression que j'aperçois sur son visage semble signifier qu'il ne sait pas non plus comment agir face à cette situation.

— Allons-y, me dit-il simplement.


Jamie reste prostré dans son mutisme tout le long du trajet. Je ne l'ai jamais vu aussi calme, et je dois bien avouer que ses commentaires sarcastiques me manquent déjà. Le silence entre nous se poursuit jusqu'à notre arrivée dans l'appartement. Je me dirige immédiatement vers la chambre d'ami pour ne pas imposer ma présence plus longtemps que nécessaire. Je commence à rassembler mes affaires en vitesse dans mon petit sac de voyage. Je ne m'arrête que lorsque j'entends Jamie entrer dans la pièce. Il émet un bruit qui donne tout son sens au mot "exaspération".

— Je savais que tu allais faire un truc stupide comme ça... dit-il en passant une main sur son visage. Je vais finir par croire que tu as un complexe du martyr, Greenfeld.

— Ce que j'ai fait était mal. Il faut qu'il y ait des conséquences. Je ne peux pas juste...

— Tu t'infliges déjà ta propre punition en culpabilisant. Je sais ce que c'est de se faire des reproches à soi-même. C'est un enfer qui vous suit partout.

Je reste sans voix. J'ai l'impression que Jamie vient de lire en moi comme dans un livre ouvert. Je réalise que je serre encore un de mes t-shirts entre mes mains. Je ne sais plus trop quoi faire, maintenant.

— Sors tes affaires de ton vieux balluchon, dit Jamie. Je ne compte pas te mettre à la rue.

— Comment fais-tu pour me pardonner aussi facilement ? demandé-je, sincèrement surpris.

— Je comprends pourquoi tu as cédé au chantage. Je suis certain que c'est pareil pour Parks. Alyssa a besoin de plus de temps, mais elle finira par l'accepter. Et toi aussi.

— Je suis soulagé d'entendre ça. Tu n'as même pas idée... Mais je ne suis pas sûr de mériter autant de compréhension.

— Tu n'as qu'une question à te poser. Si tu pouvais revenir en arrière, est-ce que tu ferais les choses différemment ?

La réponse à cette question n'est pas difficile à faire surgir. Je me suis déjà demandé la même chose des dizaines de fois au cours de ces dernières semaines.

— Quand tout a commencé, je n'étais pas encore sûr de pouvoir compter sur vous, dis-je avec sincérité. C'était ma plus grosse erreur. Si je pouvais remonter le temps, je vous demanderais de l'aide, sans même hésiter. Je n'essayerais pas de tout gérer par mes propres moyens. Mais ma décision resterait la même. J'aurais tout fait pour protéger ma famille, encore une fois.

— Bonne réponse, rétorque Jamie. Écoute, si ça peut te rassurer... Si c'était ma sœur qui était en danger et que j'avais eu le pouvoir de la protéger, j'aurais pris la même décision que toi.

D'une certaine manière, je suis effectivement rassuré d'entendre cela. J'ai le sentiment d'être un peu moins seul que je ne l'étais dix minutes plus tôt. Jamie fait de grands progrès au niveau du soutien émotionnel. Cependant, je n'ai pas besoin de tourner la tête pour savoir qu'il est mal à l'aise.

— Bon, je vais aller préparer quelque chose à manger, dit-il pour changer de sujet. Les petits paquets de chips au poste de police m'ont plus déprimé qu'autre chose. Je meurs de faim.

— Euh, tu devrais peut-être me laisser faire.

— Pourquoi ?

— Pour nous éviter une intoxication alimentaire.

Jamie ne met pas longtemps à céder. Il sait aussi bien que moi que ce n'est pas une bonne idée de le laisser derrière les fourneaux. Encore moins après la nuit que nous venons de passer.

Lorsque je me dirige vers la cuisine, une partie de moi se dit que l'avenir ne sera pas aussi sombre que prévu. Aucun de nous ne va bien. Mais on finira par s'en sortir. Du moins, c'est l'espoir auquel j'ai besoin de me raccrocher.

Les assistantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant