Éblouissante [gxg]

trente

En grimpant les escaliers, Leigh ne réfléchissait pas. Elle était trop en colère pour ça. Sur la terrasse l'attendaient certainement Anja et un magnifique dîner aux chandelles, mais elle n'arrivait pas à y penser sans avoir la nausée. 

Elle était encore hantée par les photos que lui avait montré Thomas quelques heures plus tôt, sans dire un mot. En réalité il n'y avait pas besoin d'en dire quoi que ce soit, les clichés parlaient d'eux-mêmes. Des photographies volées, prises par un professionnel, nettes et datées. Infalsifiables.

Leigh réprima un haut-le-cœur. Elle ne savait même pas où elle puisait la force qui l'avait menée jusqu'ici tant ces dernières heures avaient été éprouvantes, autant moralement que physiquement. Anja mentait depuis tellement longtemps que Leigh ignorait si la journaliste parvenait encore à faire le tri entre la vérité et les mensonges, pour elle-même.

Leigh surgit sur la terrasse sans s'annoncer, le grincement de la porte métallique le faisant à sa place.

Anja se détacha de la balustrade et se retourna, une coupe de champagne à la main. Elle adressa à Leigh un sourire désarmant qui la dérouta pendant un très court instant. Flottement que celle-ci balaya d'un revers de main, tellement écœurée qu'elle était.

Anja perçut instinctivement que quelque chose avait changé. Elle sentit les muscles de son visage se crisper, maintenant une expression chaleureuse tandis qu'elle réfléchissait à toute vitesse pour mettre le doigt sur le grain de sable dans l'engrenage.

Leigh l'interpela alors qu'elle s'approchait :

- Vous vous êtes bien foutus de ma gueule n'est-ce pas ?

Le visage d'Anja se relâcha sous le coup de la confusion et son sourire disparut.

- Je vous demande pardon ?

- Je parle de Bertrand et vous, et de votre petite entreprise. 

- Vous êtes repartie sur ce couplet ? soupira la journaliste. Je vous ai déjà dit que...

- Taisez-vous, la coupa Leigh d'un ton sec. Gardez vos mensonges pour quelqu'un d'autre, on ne me la fait plus. J'espère que vous vous êtes bien amusés tous les deux, à me voir gamberger et hésiter. C'est vrai que vous avez failli réussir, vous étiez à ça...

Leigh désignait un petit centimètre de vide entre son pouce et son index.

- Vous êtes vraiment deux grands psychopathes, c'est machiavélique, et tellement... Glauque ! J'en serais presque impressionnée !

Anja avait froncé les sourcils et affichait un air plutôt inquiet, dévisageant la jeune femme en face d'elle. 

- Je vous jure que je ne sais absolument pas de quoi vous parlez.

- Remballez vos serments, c'est du vent et je le sais. C'est très insultant Anja, votre insistance à me prendre pour une conne me ferait presque de la peine dans d'autres circonstances. J'ai vu les photos... Les photos – très – explicites de vos cinq-à-sept à l'hôtel. Je suis soulagée que vous ayez au moins la décence de ne pas faire ça dans le manoir des Chesnay...

Anja écarquilla les yeux et blêmit d'un seul coup.

- Comment... s'étrangla-t-elle. Comment avez-vous pu voir ça ?

- Je ne crois pas que vous soyez en position de poser des questions, là tout de suite.

Anja parla vite, très vite, tentant de calmer la sirène hurlante qui lui vrillait subitement la tête et lui intimait de fuir :

- Bertrand n'a rien à voir avec ça, on ne s'est amusés à rien, il ne sait rien de ce qui me lie à vous, rien de plus que ce que sait le reste du monde.