cinquante-quatre

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Hello à toutes et à tous ! J'ai passé mes partiels et je suis donc de retour pour la publication de l'avant-dernière partie, la dernière arrivera tout bientôt parce que je ne veux pas vous faire attendre plus longtemps. ^^ Bonne lecture ! 

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Ce midi-là chez les Chesnay, l'ambiance était étrange. Il s'agissait du premier déjeuner dominical depuis un long moment, mais surtout du premier depuis l'arrestation d'Anja. Les médias s'étaient très vite emparés du sujet, et depuis ces quelques jours, il ne se passait pas un seul journal télévisé sans qu'on aborde au moins une fois "l'affaire Anja Marenger". La France entière était tombée des nues en apprenant que l'intéressée avait un autre nom de naissance et un passé plutôt trouble au sein d'un groupe armé. Avaient réapparus à la télévision les reportages sur les guerres civiles en ex-Yougoslavie, d'autres sur les groupuscules nationalistes de cette période-là. L'opinion publique oublie vite, les drames se succèdent, une crise est chassée par une autre, et il fallait lui rappeler de quoi on parlait exactement.

Par ailleurs, ajoutant à l'ambiance déjà pesante, Nicole Chesnay n'avait pas manqué de faire une remarque à Leigh sur son absence annoncée pour le café. Nicole tenait trop à l'idée d'un couple de conte de fées, et elle avait déjà très peu goûté au fait que Thomas et Leigh aient repoussé trois fois la date de leur mariage. Elle s'était intensément interrogée sur la signification de tout ça, et Thomas avait eu bien du mal à calmer ses angoisses les fois précédentes.

- Si je ne reste pas cet après-midi, c'est parce que je souhaiterais passer du temps avec ma famille, répondit Leigh après avoir digéré la pique.

- Pourquoi, tu as des parents cachés que nous ne connaissons pas ?

La phrase se voulait taquine, mais personne n'avait manqué l'arrière-goût désagréable. Thomas pinça les lèvres. Il avait en horreur ces moments où sa mère ne parvenait pas à masquer sa condescendance.

- Ma mère est de retour en France pour quelques temps, expliqua la jeune femme d'un ton tout juste cordial. Et comme vous le savez, j'ai deux petites soeurs encore mineures dont je m'occupe énormément. Donc même si ma mère n'avait pas été là, il aurait été possible que je décide de passer du temps avec elles.

Nicole haussa un sourcil, Leigh n'avait pas pour habitude de répondre à ses questions rhétoriques, et encore moins pour la renvoyer diplomatiquement dans les cordes. Néanmoins elle ne s'en formalisa pas longtemps, appelant son mari pour le déjeuner.

Leigh ne l'avait pas revu depuis qu'elle avait appris la vérité. Tandis que Thomas parvenait à masquer sa toute nouvelle aversion pour son père, Leigh s'en savait incapable et avait donc soigneusement évité de remettre les pieds au manoir des Chesnay jusque là.

Clairement, la désillusion était immense. Leigh avait adoré cet homme, ne tarissant pas de compliments à son égard pendant ces trois dernières années, et c'était un fait qu'elle regrettait énormément.

Savait-il qu'elle était au courant ? Rien n'était moins sûr. S'il se doutait de quelque chose, ce serait au sujet de ses liens étroits avec les Tigres, car Thomas avait promis de ne pas dire un mot de leurs soupçons à propos de l'agression d'Anja.

Bertrand Chesnay fit son apparition dans la salle-à-manger une petite minute plus tard. Il salua son fils d'un bon mot accompagné d'une tape sur l'épaule, puis se tourna vers Leigh.

- Bertrand, déclara poliment celle-ci sans faire le moindre mouvement vers lui.

Elle lui adressa simplement un léger sourire accompagné d'un regard perçant, qui signifiait "je sais ce que vous avez fait". Il sembla traduire aisément et lui répondit un autre sourire poli.

"Qu'est-ce que tu comptes faire, petite ?"

N'importe quel observateur tiers aurait pu méprendre la situation avec de la pudeur, mais Leigh, Thomas et Bertrand savaient tous les trois ce qui se jouait.

Toute la famille prit place autour de la table, et la discussion alla bon train pendant toute la première partie du repas, jusqu'à ce que le téléphone fixe sonne, et que la bonne vienne interrompre le déjeuner.

- Monsieur Chesnay. C'est pour vous, ça a l'air important.

Bertrand se leva de sa chaise en s'excusant et quitta la pièce. La tablée entendit la porte du bureau s'ouvrir puis se refermer. La discussion au bout du fil semblait animée, des éclats de voix parvenaient jusqu'à la salle-à-manger. D'un seul coup, il y eut un grand bruit de verre brisé.

Nicole et Thomas se levèrent pour rejoindre Bertrand dans le bureau, inquiets. Celui-ci avait allumé la télévision et, manifestement, lancé la télécommande sur les bibelots qui traînaient sur le secrétaire baroque.

Sur la chaîne d'information en continu, le bandeau titrait : "Bertrand Chesnay, magnat de la finance lié au crime organisé international".

La présentatrice expliquait que des sources proches de la police avaient confirmé l'implication de l'intéressé dans l'affaire Anja Marenger, grâce à des preuves liées à la mafia serbe, mais aussi à des preuves personnelles.

C'est là que Nicole remarqua le coffre-fort grand ouvert derrière son mari. Il était vide.

- Mais qu'est-ce qui se passe ici ? interrogea-t-elle d'une voix tremblante d'inquiétude.

Elle n'avait pas la moindre idée de la situation à laquelle elle n'allait pas tarder à être confrontée.

- Il se passe qu'on m'attaque de l'intérieur ! On a fracturé mon coffre et volé des documents secrets, voilà ce qui se passe !

Bertrand se releva brusquement et se précipita à l'extérieur de son bureau, comme pris d'une soudaine révélation.

- Est-ce que c'est toi, salope ?! hurla-t-il dans le vestibule à l'adresse de Leigh. C'est toi qui a fait ça ?!

- Elle est déjà partie, Papa.

Thomas s'était appuyé contre l'encadrement de la porte. Bertrand se retourna, le visage déformé par la colère.

- Elle m'a rendu sa bague tout à l'heure, poursuivit le jeune homme.

- Je vais la tuer ! Je te jure que je vais la retrouver et que je vais la tuer ! J'aurais du les faire tuer toutes les deux ! éructait-il.

- Leigh n'y est pour rien, le coupa Thomas calmement. C'est moi, Papa.

L'homme arrêta instantanément de crier, comme si on venait de le gifler, et dévisagea son fils.

- Qu'est-ce que tu dis ?

- C'est moi qui ai ouvert ton coffre, il y a trois soirs de ça. Enfin, moi, et une amie plutôt douée en serrurerie, précisa-t-il dans un léger sourire. J'ai transmis le contenu à Europol pour les aider dans leur enquête. Il se trouve qu'ils n'enquêtaient absolument pas sur toi, mais je peux t'assurer qu'ensuite ils ont commencé à le faire. Je pense que tu devrais appeler un bon avocat, tu vas en avoir besoin.

Bertrand fit un pas en avant vers son fils, comme s'il souhaitait l'observer de plus près car ne le reconnaissant plus. Il semblait avoir un grand mal à concevoir que son fils ait pu le trahir de cette façon.

- Elle t'a retournée le cerveau c'est ça ??? Comment as-tu pu faire un truc pareil ?! A ton propre père ! Tu penses à ton avenir un peu ? Tu es fini ! Fini !

- Tu vois, c'est drôle parfois, comme la vie est faite, répondit Thomas sans perdre son sang-froid. C'est toi qui m'as appris ce que voulait dire "justice".

Et il tourna les talons sans rien ajouter.


Éblouissante [gxg]Where stories live. Discover now