vingt-deux (1)

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Les pneus de la voiture crissèrent sur les graviers de la grande allée lorsque celle-ci s'arrêta devant la volée de marche qui menait au perron. Thomas récupéra sur la banquette l'attaché-case qu'il avait refusé de laisser chez eux, sous prétexte qu'il ne saurait pas où mettre ses effets personnels. Leigh lui avait très sérieusement suggéré d'acheter un sac-à-main, ce à quoi il avait répondu par un lancer de coussin espiègle.

Leigh n'avait pas eu le courage de lui avouer la vérité, ni la force de se retrouver seule à cette période précise de sa vie, alors ils s'étaient réconciliés. Elle ignorait si Thomas pensait réellement que les choses s'étaient arrangées entre eux ou s'il savait à quel point leur équilibre était précaire. Il était loin d'être stupide, mais Leigh savait combien il était facile de nier des vérités pourtant évidentes.

Leigh claqua la portière et se tourna vers la bâtisse qui se dressait devant elle. Le manoir de Bertrand et Nicole Chesnay. C'était la centième ou la millième fois qu'elle y mettait les pieds, mais cette soirée-là en particulier avait une symbolique tout-à-fait unique. Elle avait d'ailleurs tout tenté pour ne pas y venir, à nouveau, mais Thomas avait toujours réponse à tout, et elle n'avait pas réussi à y échapper. À nouveau.

L'occasion était spéciale, officiellement on célébrait le plus jeune frère de Thomas qui venait d'être diplômé d'une école de commerce. C'était en réalité l'occasion de réunir les riches amis de la famille pour maintenir les liens et les pousser à investir dans les affaires florissantes de Bertrand.

Qui disait amis de la famille, disait présence quasi-certaine d'Anja Marenger. Dans le manoir dans lequel elles s'étaient rencontrées des semaines plus tôt. Pas si longtemps après leur dernière rencontre fortuite aux studios de télévision. Leigh aurait préféré ne pas avoir à affronter ça ce soir, elle avait une sensation d'inconfort particulièrement désagréable qui lui retournait l'estomac.

Thomas insista pour lui prendre la main jusqu'à ce qu'ils entrent, sans réellement s'expliquer. Soit il avait peur qu'elle se perde, soit il voulait bien montrer qu'elle lui appartenait. Aucune de deux solutions ne convenait à la jeune femme, qui plaqua un sourire forcé sur son visage et retint un soupir en passant la porte. Ils déposèrent leur manteau à la chambre d'amis qui avait été transformée en vestiaire comme la fois précédente, puis furent conduits jusqu'au salon où la soirée battait déjà son plein.

Bertrand Chesnay les accueillit avec un grand sourire chaleureux et se tourna vers Leigh pour prendre des nouvelles de ses études et de sa famille. D'une façon inexplicable, Leigh ressentait chaque fois son intérêt sincère, et il faisait partie des rares personnes rassurantes de cette assemblée, lui inspirant toujours une profonde sympathie.

- Anja n'est pas là ? lui demanda finalement Leigh. Je m'attendais pourtant à la voir ici...

- Si bien sûr, elle est là, mais elle est allée se réfugier sur la terrasse lorsqu'elle a su que vous arriviez. 

Il se tourna vers Thomas avant de reprendre :

- J'imagine que c'est à cause de ton comportement de l'autre jour...

Le regard que Bertrand lançait à son fils aurait pu couper du verre, et Leigh se demanda s'il avait eu vent des termes exacts utilisés par Thomas. C'était peu probable, s'il l'avait su il aurait tancé son fils bien plus vertement qu'il ne le faisait actuellement.

- Je te présente mes excuses pour ça Papa, mais tu sais bien qu'Anja et moi avons une relation compliquée. Tu devrais cesser de me considérer comme un enfant. C'est tout autant sa faute que la mienne, pourtant je ne t'imagine pas lui faire la leçon.

- Et moi je ne m'imaginais pas devoir te rappeler de ne pas traiter une de mes amies de "traînée" après ton 25ème anniversaire, et c'est pourtant ce que je fais.

Éblouissante [gxg]Where stories live. Discover now