quarante-trois

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Karen gara sa moto juste sous le halo jaunâtre d'un réverbère et descendit en prenant garde à ne pas glisser sur le macadam ruisselant de pluie. Leigh l'attendait adossée à l'immeuble haussmannien, s'abritant du mieux qu'elle pouvait sous un grand parapluie. L'avenue, plutôt passante habituellement, était complètement déserte à cette heure avancée de la nuit, et Karen parla bas pour éviter un écho malvenu :

- Maintenant qu'on est là, c'est bien joli, mais comment on rentre à l'intérieur ?

Leigh lui adressa un sourire énigmatique et lui fit signe de la suivre. Elle poussa d'un coup sec la porte d'entrée avec sa main gantée et pénétra dans le hall, talonnée par Karen.

- Comme ça, répondit-elle sans pouvoir cacher son contentement.

Karen avait froncé les sourcils, ouvrit la bouche et mit quelques instants à produire un son.

- Mais... Comment...

Leigh rattrapa la porte avant qu'elle ne claque et désigna le morceau d'adhésif de déménagement qui empêchait le pêne de se déployer dans la gâche.

- Je suis déjà passée cet après-midi, j'ai attendu que quelqu'un sorte et j'ai bloqué la serrure. En repartant tout à l'heure, j'enlèverai l'adhésif, et personne n'en saura jamais rien.

- Tu sais que parfois tu me ferais presque peur ? lui sourit doucement Karen.

Leigh la précéda dans les escaliers et s'arrêta sur le palier. Elle décolla délicatement le ruban adhésif qui dissuadait l'entrée dans l'appartement de ces mots : "scellé judiciaire - ne pas entrer".

Elle se tourna vers Karen, l'air soucieux, et murmura :

- Tu es vraiment sûre que tu veux le faire ? Je ne suis pas certaine que...

- J'ai dit que je t'aiderai, pour moi peu importe en quoi ça consiste. Je suis consciente des risques, et justement, je ne vais pas te laisser tomber alors que tu as vraiment besoin de moi. Recule un peu et laisse-moi m'en occuper.

Karen s'agenouilla et fit passer son sac-à-dos devant elle avant d'en sortir une grande trousse en tissu. Elle la posa au sol et fit coulisser la fermeture éclair aussi silencieusement que possible, dévoilant une série d'outils en métal. Elle fouilla à nouveau son sac et en ressortit une petite bouteille de lubrifiant pour serrure dont elle glissa l'applicateur à l'intérieur.

Tandis que Leigh éclairait la porte avec la torche de son téléphone, Karen inséra ensuite la clé de tension censée retenir les goupilles puis le crochet pour les soulever une à une. Elle s'affaira un long moment avant de se redresser et chuchota en souriant :

- Si quelqu'un décide de prendre les escaliers à cet instant précis je risque d'avoir bien du mal à justifier ce que je suis en train de faire...

- Il va déjà falloir que tu me racontes à moi où tu as appris à crocheter une serrure...

- Mon frère m'a appris quand j'étais ado... Quant à savoir pourquoi lui connaissait la technique, je n'ai jamais posé la question, et je ne suis pas vraiment sûre de vouloir la réponse.

Leigh sourit dans le noir, le visage seulement éclairé par la lueur verdâtre de la signalisation "issue de secours". Après quelques minutes, Karen retira ses outils et abaissa la poignée, ouvrant la porte sans difficulté.

Les filles se fixèrent un instant, et bien qu'elles ne prononçassent pas un mot, une explosion de joie contenue se lisait sur leur figure.

Leigh entra la première et prit soin de refermer la porte derrière Karen avant de sortir son téléphone pour pouvoir s'éclairer.

Éblouissante [gxg]Where stories live. Discover now