Prologue

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Alya (17 ans - Juin 2014)

En passant une jambe à travers ma fenêtre ouverte, je repense au regard suspicieux de Maman tout à l'heure. Je lui en veux pas, j'ai probablement sorti mon meilleur sourire quand on est rentrées à la maison, et que j'ai vu le petit papier qui m'attendait sur la table du salon. J'ai pas eu besoin de l'ouvrir pour savoir ce que j'allais faire de ma soirée, ça fait deux semaines que j'attends que ça.

"On se retrouve en milieu d'après-minuit Aly."

Deux longues semaines, ça fait deux longues semaines qu'on lui refile les horaires de nuit au bar, deux longues semaines que j'ai pas eu mon jumeau pour moi toute seule. Au lycée, c'est pas pareil, à la maison non plus. Les vrais moments que je vis avec lui, c'est ceux où on profite tous les deux. En cours, y aura toujours quelqu'un pour nous regarder de travers ou bizarrement quand on passe notre temps ensemble, et à la maison, y a toujours Papa et Maman pas loin.

Le meilleur, c'est sans aucun doute les moments qu'avec lui, moments qu'on n'a pas eu depuis deux semaines.

C'est pour ça, qu'à 23h45, j'ai enfilé mon short de danse et un t-shirt, rempli mon sac de barres de céréales et d'une bouteille de thé glacé, avant de passer par la fenêtre de ma chambre. Maman ferait une syncope en me voyant sortir si tard et toute seule, pour rejoindre Lukas dans une vieille boutique abandonnée.

Enfin elle l'était jusqu'à ce qu'on la trouve au moins.

Et comme d'habitude, quand j'arrive au bout de la ruelle, y a aucune lumière, il est encore en retard. C'est le plus méthodique, le plus calme, le plus intelligent, mais jamais il n'arrivera à l'heure : soit bien trop en avance, soit en retard. Le juste milieu n'existe pas avec mon frère.

Le bâton de ma sucette finie entre les dents, je grimpe sans vraiment trop de souci jusqu'à la fenêtre du premier étage, avant de la refermer derrière moi. Il sait pertinemment que c'est pas la peine de se casser la tête à jouer à l'escalade si je suis déjà là, suffit que j'ouvre la porte de l'arrière-cour.

- Hop, j'allume la lumière du petit salon avant de retirer mes chaussures.

Et j'ai peut-être sous-estimé le truc tout à l'heure, quand j'ai dit que Maman ferait seulement une syncope si elle savait. Elle ferait bien pire qu'une simple syncope, on squatte quand même un vieux magasin d'antiquités en plein milieu de la nuit comme si on était chez nous. Elle aurait peur, Papa serait fou de rage.

Et par simple esprit de contradiction, Lukas envenimerait la situation en se prenant la tête avec lui. C'est bien mieux que personne ne soit au courant.

Une fois mes chaussures posées à l'entrée, que je me retrouve en chaussettes, j'allume les petites bougies une à une, avant de me jeter sur l'énorme amas de coussins, de petits matelas, et de couettes qu'on a installé avec Lukas. Plus qu'à attendre. Et là, après deux semaines, j'avoue que son petit retard de cinq minutes qui ne me dérange pas habituellement, commence à faire long après autant de temps sans se voir le soir.

- Merde, je souris comme une débile en l'entendant finalement pester parce qu'il s'est encore pris le pied dans le petit poteau en fer de l'arrière-cour.

Je bouge pas de là où je suis, même si je meurs d'envie de traverser les deux pièces qui nous séparent pour lui sauter dans les bras. Et ça prend pas beaucoup de temps pour qu'il débarque dans la pièce, en recoiffant ses boucles identiques aux miennes, un sourire timide aux lèvres.

- Salut Aly, il pose ses yeux sur moi, les mains dans ses poches.

Il a l'air crevé, il a des cernes énormes, le teint un peu pâle, et les cheveux en bataille. Je sais parfaitement qu'il a sacrifié sa première nuit de libre pour venir ici avec moi, au lieu de juste rentrer à la maison et dormir. Donc je finis par me lever, avant de venir entourer son cou de mes bras.

Milieu d'après-minuit · NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant