Chapitre 20

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Alya

Hier soir, c'était à la limite de m'en rendre malade. Quand je suis sortie de la cuisine avec ma tisane, que je l'ai trouvé allongé devant les filles, à leur lire les derniers trucs qu'il avait écrits, le sourire aux lèvres, c'était à la limite de m'en rendre malade.

Ça fait deux semaines qu'on se lâche plus lui et moi, qu'on passe nos journées ensemble avec les filles, une fois Thanos déposé à l'école. Et c'est le bonheur, c'est vraiment le bonheur, je me suis rarement sentie aussi bien que quand on est tous les deux assis dans l'herbe dehors à discuter, ou que je lis pendant qu'il écrit.

C'est pour ça que ça me rend malade de lui cacher notre plan avec les filles, le truc c'est que je sais qu'il approuverait pas. Et je lui en veux pas. La seule raison pour laquelle j'ai accepté l'idée du compte fake, c'est parce que c'est l'issue la plus facile : j'ai pas besoin de contacter mon frère directement, il saura pas que c'est moi, j'ai pas à lui parler en face, on aura pas besoin d'aborder les sujets qui fâchent.

Juste un discussion simple, lui et moi. Ou plutôt lui, et le profil que Lili a créé.

Tout est prêt. Ou presque. J'ai le compte, j'ai des photos pour paraître crédible, on a vite fait créé une fausse vie au cas où il pose des questions, même si c'est pas son genre. J'ai juste pas les mots, j'ai pas les mots. Après 8 ans, j'ai pas les mots, je les ai juste pas. J'ai aucune idée de la vie qu'il a eue ces dernières années, de ce qu'il s'est passé autour de lui, je sais pas ce qu'il ressent, je sais pas s'il a changé, je sais pas.

Je sais pas quoi lui dire. Et la seule personne que j'aimerais avoir près de moi pour m'aider, n'approuverait pas, donc je lui ai pas dit. Parce que Ken trouverait les mots, il y arrive toujours, même quand ça le concerne pas, même quand c'est pas ses sentiments qui sont sur la table, il arrive toujours à mettre les mots dessus, et ça sonne toujours si juste et sincère.

Moi non. Je sais pas quoi dire. J'ai peur que Lukas me reconnaisse directement, parce que si c'était le cas, j'ai juste aucune idée de ce qui arriverait. Donc j'ai rien fait, pour l'instant j'ai rien fait.

C'est seulement quand Goku vient remplir la moitié de l'espace libre de la cuisine avec son volume, que je me reconcentre sur ce que j'étais en train de faire : essayer d'effacer la culpabilité qui me tord l'estomac dès que je suis proche de Ken, et accessoirement essayer d'oublier que mon secret reste au milieu, entre nous.

Et je veux pas qu'il y ait quoi que ce soit entre nous, c'est tellement agréable quand c'est juste simple, quand il est au courant de tout, quand je suis au courant de tout, et qu'on peut juste s'aider mutuellement sur tout.

Donc je fais du mieux que je peux pour assurer sur le reste : je viens de préparer son petit-déjeuner préféré, et, juste à côté, j'ai emballé soigneusement ce que j'ai acheté à la Fnac hier, un peu sur un coup de tête. Ou sur les conseils d'Inès. Ou les deux. Ou juste parce que j'ai aimé l'idée, que ça m'a donné envie.

Peu importe. Je veux qu'il se sente aimé autant que je me sens moi quand il est là.

- Tu touches pas, je lance un regard en coin à Goku, qui observe le petit-déjeuner avec une concentration extrême. Je te jure que s'il y a plus rien quand je reviens avec Ken, je laisse Diabi t'emmener chez le toiletteur avec Krokette. Et je lui donne aucune instruction, aucune. Rubans, diadèmes, couleurs, il ferait ce qu'il veut, donc retiens-toi, c'est pour Ken, pas pour toi.

Je regrette déjà mon ton quand il m'observe quelques secondes, avant de baisser le regard au sol en chouinant.

- Ok, je récupère un tout petit bout d'omelette, avant de lui déposer à ses pieds. Et on ira chercher les friandises que t'aimes bien si t'es calme ce matin et que tu remues pas trop les filles. Promis ? Je caresse sa patte du bout des doigts.

Milieu d'après-minuit · NekfeuWhere stories live. Discover now