Chapitre 29

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Alya

J'avais oublié. Après des mois à porter le poids de mon anxiété sans même m'en rendre compte, j'avais oublié ce que ça faisait de juste sourire, et que ce soit un acte facile et agréable. J'imagine parfaitement ce que Ken verrait s'il passait à nouveau le seuil de sa chambre : juste mon visage, mon sourire, parce que tout le reste est enfoui sous sa couette. Je voudrais rester ici toute la journée, à profiter du soleil qui tape doucement sur le bout de mon nez, à savourer la différence de température entre sous la couette et en-dehors de la couette, et à juste renifler l'odeur de café qui arrive progressivement jusqu'à moi depuis 10 minutes.

Comment me faire sourire juste un petit peu plus ? L'imaginer avec les cheveux en bazar, l'air encore endormi, juste recouvert de son jogging, à préparer le petit-déjeuner de l'autre côté de l'appartement. Rien que ça, ça me donne envie de rigoler toute seule, ou d'enfouir mon visage dans la couette pour crier en silence.

Aucun rapport avec hier. On a parlé presque toute la nuit, juste parlé, et c'est tout ce qu'il a fallu pour qu'il arrive : de une, à alléger mon anxiété plus que ce qu'aucun rendez-vous chez le psy ou médicament n'a jamais réussi à faire, de deux, à me rendre encore plus amoureuse. Beaucoup plus. J'ai l'impression de voir nettement pour la première fois depuis des mois l'ampleur de ce qu'il dégage, la seule chose pour laquelle je pourrais me battre durant des heures juste pour l'admirer un petit peu plus longtemps : l'aura de Ken, ou peu importe le mot utilisé pour décrire ce qui brille autour de lui quand il arrive pas à retenir ses idées, ou qu'il sourit trop fort.

- C'est pas vrai, je pouffe toute seule en sentant mes joues rougir.

Et cette fois, je l'entends. Je l'entendais pas tout à l'heure, je sais pas si je faisais juste pas assez attention, ou s'il vient tout juste de commencer, mais je l'entends rapper, juste assez fort pour que ça s'apparente à un petit murmure de là où je suis.

- Il le fait exprès, je grogne à voix basse en entendant sa voix, avec toutes ses aspérités du matin au réveil.

J'ai envie de me lever. J'ai envie de me lever, d'enfiler un pull par-dessus la vieille chemise de Ken, et d'aller le rejoindre. J'ai juste une assez bonne idée de ce qui va se passer après si je fais ça : j'ai déjà les joues rouges, la lèvre bloquée entre mes dents, et le bas-ventre qui s'agite. On a rien fait hier soir, ça m'a empêché de le détailler du coin de l'oeil pendant qu'il parlait, et je comprends même pas qu'il soit jaloux aussi souvent, ou qu'il doute de ce que je pense de lui.

Beaucoup trop beau Ken.

Pas besoin de plus pour que je finisse par me glisser en-dehors de la couette, rejoindre son placard, avant d'en tirer un de ses hoodies. Même s'il est propre, qu'il sent la lessive, suffit que je l'enfile pour que le parfum de Ken — celui qu'il portait quand je l'ai rencontré — vienne remplir mes narines. Si on rajoute à tout ça la douceur du tissu, la façon dont la taille du pull, bien trop supérieure à la mienne, me rend encore plus petite que d'habitude, et la capuche qui me donne l'impression d'avoir un bonnet, je pense que je peux conclure que je suis au paradis.

Et j'avais presque oublié que Ken fait reprendre tous ses pulls au niveau du bout des manches, pour qu'il ait de quoi y passer son pouce, histoire de garder ses mains au chaud quand il écrit dehors. Parce que y a que lui qui fait ça. J'ai l'impression de jouer à l'espion avec Tan quand je me glisse en-dehors de la chambre sur la pointe des pieds, puis quand je remonte le couloir, jusqu'à ce que j'aie enfin une vue sur le salon et la cuisine.

Et il est là. Debout, dos à moi, derrière le plan de travail de la cuisine, et il a même pas pris le temps d'enfiler un t-shirt. C'est pas grave. Je peux largement faire avec. Je suis fixée sur le fait qu'il ne m'ait pas remarquée seulement quand j'entoure son corps de mes bras par derrière, avant de poser ma joue contre sa peau, et qu'il se met à frissonner.

Milieu d'après-minuit · NekfeuWhere stories live. Discover now