Chapitre 7

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Ken (28 juillet 2023 - Kabylie)

Quand je referme la porte derrière nous, que la musique d'en bas s'estompe, je sais que, lui comme moi, on en avait tout autant besoin.

- J'suis pas sûr que ce soit une bonne idée au final, il tourne et retourne le petit sachet argenté entre ses mains, les sourcils froncés et la lèvre entre ses dents. Juste la bague, c'est bien aussi nan ?

Je peux pas être mieux placé pour le rassurer aujourd'hui. Toute la journée de la veille, puis la matinée d'aujourd'hui, y a rien que j'ai réussi ou que j'arrive à réaliser. Ou peut-être que si, peut-être que j'ai réalisé pourquoi on était tous ici quand j'ai vu ma sœur arriver, maquillée, tatouée au henné, dans sa robe, au bras d'Alya tout à l'heure, et que j'ai vu à quel point Hakim était heureux à côté de moi.

Là, j'ai réalisé. Pendant les deux longues minutes où on a vu Inès s'approcher de nous, avec le cortège, j'ai ressenti à la perfection toutes les émotions que mon meilleur ami avec accumulées pendant des années. J'ai juste pas retenu mes larmes, c'était trop.

- Tu peux pas juste les jeter, je m'accroupis devant Souheil, dont les yeux rougis sont assortis aux miens, tu te rappelles tout ce que tu m'as dit pendant qu'on regardait la dame les faire ?

Du petit sachet argenté, ses yeux passent à moi. Quand Yaya m'a parlé de son amie, qui fabrique à la main des bracelets d'union, sur l'île voisine, j'ai pas hésité 1000 ans. J'avais besoin de ça. J'avais besoin de montrer d'une manière ou d'une autre à Hakim et à ma sœur que y a rien de négatif ou d'interdit dans ce qu'ils ont tous les deux. J'ai peut-être été aveugle pendant des années, maintenant c'est juste difficile de le rater : mon meilleur ami aime ma sœur autant que j'aime Alya, et c'est réciproque.

Donc c'est peut-être con, mais j'avais besoin d'un objet pour symboliser ce que je ressentais, et Yaya m'a donné l'idée parfaite. J'avais juste pas prévu que Souheil, qu'Hakim a emmené au studio le jour où je me renseignais sur la boutique en question, aller s'inclure à l'équation. Ce jour-là en plus, j'étais dans mon coin, sur mon ordi, je faisais attention à personne, je voulais juste conclure mon plan. Ça avait pas l'air d'être l'idée de Sousou, parce qu'il est venu s'assoir à côté de moi, un sourire aux lèvres.

Il a demandé ce que je faisais, je lui ai répondu, et j'ai vu la manière dont ses yeux se sont mis à briller. Début du périple. Parce que c'était un périple, ça a failli rater au moins un milliard de fois, pour un milliard de raisons différentes. Fallait garder le secret, fallait aller jusqu'en Grèce en pleine année scolaire, fallait réussir à consigner ce que lui avait envie de faire passer à travers le cadeau, et ce que moi je voulais faire passer, il a fallu que je mente à ma sœur, que je mente à Hakim.

Mais le sachet est dans ses mains.

- Imagine Papa il veut pas le porter ? Souheil souffle devant moi. Il a déjà plein de bracelets.

Même si ça fait des mois qu'il a commencé à appeler mon reuf Papa, je continue toujours à être surpris une fraction de seconde à chaque fois. Je sais même plus si je suis surpris qu'il l'appelle comme ça, ou surpris d'à quel point il est confiant à chaque fois qu'il le fait, y a pas d'hésitation.

- Et ils sont là pour quoi les bracelets qu'il a déjà ? Je souris. Ils sont là pour lui rappeler qui ? Laisse-moi deviner, sûrement ta maman qui lui a offerts, et toi, parce qu'il les a gagnés en te faisant rire.

C'est ce genre de détails à propos d'Hakim qui le rendent complet. Si on voit que le côté bourru, froid, calme, fermé, c'est qu'une demi-facette. Quand tu sais que les bracelets qu'il porte à son poignet, c'est ce qui lui permet de penser à sa femme et à son fils pendant la journée, que son fond d'écran c'est la même chose, que s'il regarde l'heure toutes les 5 minutes, c'est juste pour savoir s'il est pas en retard pour aller chercher Sousou, ça révèle la deuxième facette.

Milieu d'après-minuit · NekfeuWhere stories live. Discover now