Chapitre 1

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Lukas (le jour où Alya débarque à l'asso)

C'est la cinquième fois cette semaine, et là, ça commence à faire plus que juste dépasser ma compréhension. Il est assis à côté de moi, mais y a aucun de nous qui pipe un mot depuis qu'on est montés dans le métro. Le chemin jusqu'à la station, c'était en silence. L'attente de la prochaine rame, c'était en silence. Les cinq arrêts qu'on a déjà passés, c'était en silence. Pourtant, je crois pas avoir le copain le plus silencieux, au contraire. C'est juste une grosse tête de mule aussi, et paraît que je l'ai saoulé. Le truc, c'est que j'ai absolument pas envie de reprendre la conversation là où on l'a laissée, si c'est pour qu'on se prenne la tête, encore et encore.

Je comprends pas pourquoi il s'acharne à vouloir me persuader d'aller voir Alya, alors qu'il sait pertinemment quelle réponse je vais donner. Y a zéro logique dans la manière qu'il a de remettre le sujet sur la table tous les 2 jours, ça me fatigue.

Bien sûr que je veux voir ma sœur, c'est même pas une question que je me pose, et c'est même pas celle qu'il faut se poser. La véritable question c'est, est-ce qu'elle voudra vraiment me voir elle ? Vraiment là, comme ça, j'en doute. De toutes les lettres que je lui ai envoyées, comme on faisait quand on était petits, aucune n'a eu de réponse.

Je lui en veux pas, elle a toutes ses raisons de vouloir faire comme si j'avais jamais existé, ça fait même presque 8 ans que j'existe plus dans son quotidien. J'aurais tout donné pour pouvoir juste tout lui expliquer avant de partir, ou même tout lui expliquer dès que les galères ont commencé, qu'on puisse régler les choses ensemble au lieu de devoir fuir seul.

Peut-être qu'elle n'aurait pas repris ses cauchemars, peut-être que j'aurais pu être là à la soirée où elle a rencontré Ken, peut-être que j'aurais pu faire en sorte qu'ils se rencontrent vraiment, qu'aucun des deux ne souffre pendant les 6 années suivantes. Ou peut-être que ça ce serait passé pareil, mais que j'aurais pu l'aider à élever Thanos, au moins.

Sauf que tout ça, elle l'a fait seule, parce que j'étais bien trop loin. Ce qu'Avry ne comprend pas, c'est qu'elle ne va pas passer au-dessus de tout ça aussi facilement. Je ne peux pas juste me pointer devant elle, qu'on se fasse un câlin comme dans les bisounours, et que tout revienne à la normale.

C'est même pas une question de courage, j'ai pas peur de me tenir devant elle et de répondre à ses interrogations. Mon problème, c'est que j'ai l'impression de pouvoir trouver une meilleure solution, j'ai juste pas encore mis le doigt dessus. Y a toujours une solution, et je lâcherai pas avant de l'avoir trouvée.

Et si y a bien une chose dont j'ai peur, c'est de lui faire encore plus de mal que ce que j'ai déjà fait. Je ne vais pas pouvoir lui cacher plus longtemps la raison pour laquelle je suis parti, et il n'existe aucun monde dans lequel elle ne reprend pas ses cauchemars toutes les nuits en l'apprenant.

C'est la dernière chose que je veux Aly.

Plus j'analyse chaque détail, plus c'est clair : mauvaise idée de revenir près d'elle avant la naissance des jumelles, mauvaise idée de lui dire la vérité avant son mariage avec Ken. Je vais juste tout gâcher ce qu'elle a mis des mois à construire. Elle n'a pas besoin de plus de fatigue, et ses cauchemars ne feraient qu'écourter ses nuits.

Ma conclusion c'est qu'il faut attendre, et ça ne plaît pas à Avry.

Quand le métro s'arrête à notre arrêt, il me jette juste un regard avant de descendre le premier, son sac de sport à l'épaule. Je sais jamais quoi dire pour finir une dispute, et lui, il joue toujours à la tête de mule, donc on reste fâchés pendant des heures. Je voudrais juste qu'il comprenne qu'attendre un mois de plus, c'est pas la fin du monde, surtout si ça peut soulager Aly.

Milieu d'après-minuit · NekfeuWhere stories live. Discover now