Chapitre 15

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Alya

C'est froid, c'est plat, c'est pas le babyphone. C'est le bois de la table de nuit, c'est pas le babyphone.

J'ai encore les yeux fermés, la tête dans l'oreiller, les jambes emmêlées dans la couette, mais là, tout de suite, je suis tout sauf à l'aise. C'est le même geste que je répète tous les matins, la même habitude qui m'aide à me tirer du lit, le même rituel qui me calme et me rassure : je tends la main vers mon chevet, je récupère le babyphone quand les filles se mettent à pleurer, je coupe le son pour que ça ne réveille pas Ken, et je me lève.

J'ai pas mon babyphone. Je suis clairement couchée, les filles sont clairement pas contre moi, pourtant j'ai pas mon babyphone. Ce que j'ai dans mon champ de vision par contre, c'est la porte de notre chambre, un tout petit peu entrouverte, et c'est tout ce qu'il me faut pour avoir envie de me glisser hors du lit le plus doucement possible.

J'ai dû oublier le babyphone sur la table du salon hier soir. Ou près du lavabo.

- C'est pas vrai, je murmure en relevant ma tête de l'oreiller, la gorge déjà nouée à l'idée d'avoir laissé les jumelles seules toute la nuit. C'est p..., mes sourcils se froncent d'eux-mêmes quand je pose mes mains sur mes oreilles, étrangement réchauffées, et que je tombe les paumes contre du plastique.

Il ne me faut que deux secondes pour retirer le casque, que deux secondes pour comprendre d'où il vient. C'est le casque anti-bruit deux fois trop grand qu'Eliott a acheté pour Thanos quand il vient au studio. Y a qu'une personne qui me l'aurait enfilé, c'est pas moi, et mon intuition se confirme quand je tourne la tête vers l'oreiller à côté de moi.

Pas de chignon brun, juste les draps et un de ses chouchous.

- Ken non, je murmure en gigotant pour m'extirper du lit, juste assez pour attraper mon téléphone, juste assez pour voir l'heure.

11h36, alarme ignorée.

Ça y est. En un instant, je suis passée d'avoir envie de sortir de la chambre, à avoir envie d'y rester et de ne plus en sortir. Les larmes, le stress, la peur, le fait de pas savoir ce qui m'attend en passant la porte, c'est le starter kit parfait pour me motiver à me rouler en boule sous la couette.

Il a cassé le rituel que j'entretiens depuis des semaines. Quand je me réveille le matin, que je sors dans le couloir, je sais toujours ce qui m'attend : le soleil qui se lève juste, les filles qui s'agitent dans leur lit, Thanos qui dort encore, Ken qui dort encore, le petit-déjeuner à préparer.

Juste moi et les filles, en attendant que je sois prête à plus.

Prête à supporter toutes les pensées négatives qui me prennent la tête dès que Ken se lève et que je réalise qu'il est dans la même pièce que moi, qu'il peut poser ses yeux sur moi, voir à quel point j'ai changé, voir à quel point ça lui plaît moins.

- Lya, mon cœur rate un battement quand sa voix sonne à l'entrée de la chambre, et que je lâche ma contemplation à vide de mes chaussons.

Appuyé contre le montant de la porte, les filles contre lui, je m'attendais à un sourire encourageant, à le voir motivé, mais c'est pas ça que je trouve. La première option aurait déjà été difficile à encaisser, celle que j'ai devant moi encore plus.

Il ne sourit pas, sa mâchoire est contractée, il a son téléphone dans les mains, il est arrivé quelque chose. Ça ne me prend que quelques secondes pour passer en revue toutes les choses qui devaient se passer ces dernières heures, hier, aujourd'hui, et toutes les personnes concernées.

Milieu d'après-minuit · NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant