Interlude

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Alya (Septembre 2004 - CE1)

Tous les soirs, c'est la même chose au final. Ils font toujours semblant de jouer avec moi un peu au début, mais ça dure pas longtemps, je finis toujours par m'assoir sur les marches, à côté du terrain, parce qu'ils veulent jouer un "vrai" match. Lukas arrête pas de me dire que ça sous-entend pas que je suis nulle, mais de toute manière il a toujours été nul lui, pour mentir.

J'aime pas le basket de toute manière. C'est pas grave.

Le problème, c'est plus qu'à la garderie, le mardi soir, je suis toujours la seule fille. Y a juste eux, Lukas, et moi. Donc bah oui, je finis toujours toute seule assise sur les marches à côté du terrain à les regarder finir leur "vrai" match. Ils sont gentils au moins, apparemment je suis l'arbitre, et Baba dit que c'est mieux que rien.

Il comprend pas. Parfois, je me dis qu'avoir une soeur, ce serait vraiment, vraiment bien. Et je veux pas d'une soeur juste parce que ce serait une fille, et qu'on pourrait aller se faire des tresses sous le préau, c'est pas le genre de soeur que je voudrais. Moi, je voudrais trop une soeur qui irait voir les gars, un peu plus courageuse que moi, et qui leur montrerait qu'on peut jouer un "vrai" match nous aussi. Même si j'aime pas le basket.

Mais j'aurais jamais de soeur, Baba a dit que Lukas et moi, on était bien tous les deux, pas besoin de plus.

- Aly ? Je relève les yeux du petit tas de cailloux que j'étais en train d'amasser quand Lukas s'approche de moi, le sourire aux lèvres. Tu peux aller chercher ma gourde dans mon sac ?

- S'il te plaît ? Je grogne en me levant quand même.

- Pardon, il passe sa main dans ses cheveux en baissant la tête, s'il te plaît ma Aly. Et je te ferais des massages dans le dos ce soir avant de dormir.

- C'est mieux, je souris en prenant le chemin du hall. T'as laissé ton sac devant la classe ? Je lance.

- Ouais !

Peut-être qu'au final, ce serait compliqué d'avoir une soeur en plus de Lukas. Peut-être que Baba a juste raison, je sais pas comment je ferais si je devais faire tout ce que je fais avec Lukas, mais avec une autre personne. Est-ce que c'est possible de partager comme ça ? Ça voudrait dire qu'on pourrait pas rester tous les deux le soir avant de dormir, qu'on pourrait pas être que tous les deux non plus à la danse.

Je sais pas si je veux au final. Partager Lukas. Ou me partager moi. Baba a raison.

Puis si j'avais une soeur, elle serait venue avec moi chercher la gourde, et j'aurais pas pu être toute seule dans les couloirs de l'école. J'aime pas être toute seule d'habitude, surtout sans Lukas, mais les couloirs de l'école c'est différent, c'est trop bien. L'école est vieille, elle est comme dans les films ou dans les dessins animés, c'est presque facile de s'inventer des histoires. Si j'avais une soeur, je suis sûre que ça l'ennuierait qu'on se raconte des trucs comme ça, presque sûre aussi qu'elle trouverait ça débile.

Je peux pas m'empêcher de souffler en récupérant le sac de Lukas contre le mur.

- Mélina, je relève la tête directement en entendant une voix au bout du couloir, tu entends bien que ça ne va pas ? Je ne sais même plus comment te le dire. Ça sonne faux, tu ne vois pas le problème ?

Y a jamais personne à la fin de la garderie comme ça, il est trop tard, tout le monde est parti presque. En plus, je passe tout le temps ici et y a jamais personne. Pourtant, y a un bruit de piano qui arrive jusqu'à moi juste après, mais c'est pas vraiment joli, plutôt un peu cassé.

Milieu d'après-minuit · NekfeuWhere stories live. Discover now