Chapitre 26

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Alya

Ça doit être l'histoire d'une seconde, d'une minuscule seconde, peut-être moins. En une seconde, je passe du vide à l'obscurité de mes paupières closes. Et il faut tout aussi peu de temps à mon esprit pour en tirer la pire des conclusions : j'ai fait un malaise, je me suis évanouie tout à l'heure, j'étais plus consciente, j'ai aucune idée de ce qu'il s'est passé.

La seule chose que je ressens, c'est le confort dans lequel je suis installé, clairement pas le bitume d'un quai de métro. Donc il s'est au moins écoulé plusieurs dizaines de minutes, parce que je suis presque sûre que c'est un lit sous moi, pas juste un brancard ou quelque chose de temporaire. Et c'est à ce moment précis que le bruit régulier de mon coeur arrive jusqu'à mes oreilles, mais pas le vrai son, non.

Un électrocardiogramme. Un bip régulier. Un hôpital, les urgences. C'est de pire en pire.

Impossible qu'il n'ait pas remarqué, impossible qu'il ne m'ait pas vue, c'est impossible si on a été jusqu'à me traîner aux urgences à cause de mon malaise. Il a forcément levé la tête de son téléphone, il s'est forcément retourner, et j'ai envie de me frapper pour avoir enfiler la casquette SZR rose flashy de Ken ce matin avant de partir.

Tu pouvais pas faire plus reconnaissable Alya. Je voulais juste un bout de Ken avec moi, je pensais pas que ça tournerait comme ça. Et maintenant c'est sûr, c'est foutu, Lukas peut pas être ailleurs que dans la pièce, ou alors il est sévèrement aveugle et sourd pour avoir raté l'accident dans le métro.

J'ai pas envie d'ouvrir mes paupières, et de toute manière elles pèsent des tonnes, et le reste de mon corps est mou et lourd comme l'amas de linge à la sortie de la machine à laver. J'ai la flemme de le soulever. Et j'ai peur de ce sur quoi je tomberais en me redressant, en ouvrant les yeux.

Est-ce que je suis prête, dans mon état actuel, à croiser son regard ? À répondre aux questions des médecins devant lui ? À le laisser s'occuper de moi ? À lui parler juste ? À entendre sa voix ?

C'est l'augmentation du BPM à ma gauche qui stoppe mon flot de questions, en même temps que le flot d'images et de scénarios qui commençait à se dessiner dans ma tête.

- C'est normal ? Je me fige, quand la voix que je connais par coeur arrive jusqu'à mes oreilles, suivie d'un mouvement à ma gauche, puis d'un un peu plus loin à droite dans la pièce.

- Ne vous inquiétez pas, une femme se rapproche du lit, elle va juste sûrement bientôt se réveiller. Appelez-moi quand ça arrive, je serai dans la pièce d'à-côté.

C'est pas possible, c'est sûrement un des pires scénarios que j'aurais pu prévoir. Pourquoi c'est Baba qui est assis à côté de moi ? Je pourrais presque sentir mon sang accélérer rien qu'à l'idée qu'il ait pu croiser Lukas, de ce qui a pu se passer entre eux pendant que j'étais inconsciente.

Baba et Lukas. Je pensais pas que ça arriverait à nouveau avant au moins 6 mois ou un an. Et c'était en étant optimiste. Et en partant du principe qu'il allait enfin finir par se passer quelque chose entre lui et moi pour qu'on en arrive à rentrer chez Baba et Maman tous les deux.

La seconde suivante, je serre le drap à ma droite, loin du regard de mon père, et je finis par ouvrir les yeux. Peu importe que Lukas soit là ou pas, je peux pas laisser Baba seul dans cette situation. Il a rien demandé, j'ai juste aucune idée de comment il a atterri à côté de mon lit.

Le grognement s'échappe tout seul quand j'ouvre les yeux, et que la lumière m'agresse presque instantanément.

- Alya, le soupir soulagé de mon père arrive jusqu'à mes oreilles, juste avant que sa main vienne passer de ma joue à mes cheveux.

Milieu d'après-minuit · NekfeuWhere stories live. Discover now