Chapitre 40

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Ken

J'ai aucune idée de ce que je fous ici. C'est un des derniers endroits où je traîne logiquement. Trop de monde, trop de bruit, trop de chances de se faire reconnaître. Mais putain, y a du mouvement. Y a du mouvement, et d'ici, y a tellement d'endroits où tu peux aller, tellement d'opportunités.

Tout le contraire de moi et Alya.

- Excusez-moi Monsieur, je relève à peine la tête du ballet des gens qui s'agitent autour de moi, juste assez pour croiser le regard de la petite agente RATP, vous êtes perdu ?

Perdu géographiquement, vraiment pas du tout. Perdu dans tous les autres sens du terme, probablement. Malheureusement, y a que le premier qui rentre dans les qualifications de son taff, pas le reste.

- Nan, je lui lance le meilleur sourire que je peux, j'attends juste.

- D'accord, elle hoche la tête, avant de tendre son bras vers l'un des piliers qui soutient le plafond de la station. Par contre, si vous attendez, je vais vous demander de vous mettre sur le côté s'il vous plaît.

Pas en plein milieu. Là où j'étais.

- Y a pas de souci, je valide d'un signe de tête, bonne journée, bon courage.

Je savais que mon petit jeu allait pas durer longtemps. Parce que, dos au pilier, à regarder les gens passer et repasser sous mes yeux, c'est pas la même chose qu'en étant au milieu. Au moins, là, le pilier me soutient. Le problème, c'est qu'Alya est mon moteur, le truc qui me pousse à bouger, à faire un que-tru de ma journée, aussi bien qu'elle est mon pilier quand je préfère rester immobile.

Et elle n'est pas là. Y a juste le pilier de la station. Je l'ai pas revue depuis mon anniversaire, ça fait une semaine aujourd'hui.

Je sais pas si, juste parce qu'on était le 3 avril, je m'attendais à quelque chose de spécial, à ce que ça la pousse à briser le silence qu'il y a entre nous depuis que je me suis barré de la maison, et je peux même pas expliquer la douleur qui m'a niqué les poumons quand j'ai proposé sur le groupe WhatsApp qu'on fasse une big soirée tous ensemble plutôt qu'un truc intimiste.

Je voulais qu'elle proteste. Je voulais pas de la grosse soirée. Je la voulais juste elle.

Elle a lu le message comme tout le monde, elle a mis un pouce en l'air dessus comme tout le monde, elle s'est pointée avec Tan et les filles, et elle a agi comme tout le monde. Je sais pas à quoi je m'attendais.

- Nan mais princesse, je relève les yeux à quelques mètres devant moi quand j'entends un gars rigoler, je te paie ton Starbucks, c'est ok. Et après on va faire un tour ?

Je vois pas la meuf en question d'où je suis, mais de toutes les discussions qu'il y a dans le hall de la station, celle-là a attiré mon attention, parce que le ton est chelou. Et les gens se retournent sur eux en passant.

- Garde ton argent, cette fois je me redresse entièrement en entendant la go répondre, j'ai ce qu'il faut, que ce soit pour payer mon café, ou pour aller faire un tour après.

- Ah ouais ? Je vois rouge quand le gars se fout de profil, que je remarque son grand sourire, pire encore quand il me laisse juste voir les yeux bleus d'Alya devant lui. T'as un gars ? J'suis sûr j'peux te payer plus de Starbucks que lui, princesse.

J'ai déjà lâché un rire nerveux au moment où Alya s'apprête à répondre, et les deux se tournent vers moi. Je m'en frappe de la manière dont le gars me détaille. Y a qu'une chose que je remarque : le sac en papier de mon salon de thé préféré qu'Alya serre contre elle comme si sa vie en dépendait.

Milieu d'après-minuit · NekfeuWhere stories live. Discover now