Chapitre 6

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Alya

C'est devenu un art, après deux semaines d'entraînement. Un tout petit peu pas assez fort, je ne me réveille pas, un tout petit peu trop fort, ça réveille tout le monde.

Sauf que je peux pas faire sans, faut que je sois réveillée avant tout le monde, surtout avant mon père.

Les yeux encore à moitié fermés, je serre une dernière fois le coussin de Lukas dans mes bras, avant de sortir la tête de sa couette. 5h45, c'est ce qu'affiche le vieux réveil de mon frère, posé sur le bureau. Je me laisse toujours 15 minutes avant que mon père se lève, juste assez pour aller boire un verre d'eau, et aller m'installer dans mon lit comme si j'avais dormi dans ma chambre à moi.

Ce serait la troisième guerre mondiale s'il me voyait sortir de la chambre de Lukas, encore à moitié endormie. La vérité, c'est que j'ai pas trouvé d'autre solution pour réussir à faire une nuit complète. Avec ma mère, on passe la journée à trier des cartons, à remuer des souvenirs, à tomber sur des vieux albums photos, et ça n'aide pas.

Ça n'aide pas à sortir Lukas de mon crâne, la façon dont il m'a regardée quand on a mis les pieds dans le gymnase avec Lili, ce que Ken m'a dit sur lui, sur le fait qu'il s'entende bien avec tout le monde, voire très bien. Ça pourrait juste être si facile s'il n'était pas parti, il pourrait faire partie du groupe sans y foutre le bordel en même temps.

Parce que peut-être que si je suis sincère, je peux dire que Lukas me manque, mais y a pas que lui. Dans ses conneries, il a entraîné Ken, mais il a aussi entraîné Micky. Et ça me fait un peu plus mal tous les jours. De toutes les personnes à qui je fais confiance, excepté Ken, c'est sur Mikaël que je me repose le plus. J'ai beau tourné le problème dans tous les sens, je sais que je suis toujours pas prête à retourner vers lui, même si j'en crève d'envie en même temps.

Et je sais que lui aussi, j'ai 20 messages par jour, avec des GIF de licornes, des dessins de Mila, des vidéos de lui qui boude. Additionné à tout ça, les regards que Romy pose sur moi quand on se retrouve toutes les deux, que j'ai fini par interpréter comme : il est triste sans toi, tu veux pas lui pardonner même juste un petit peu ?

J'ai envie, mais c'est plus compliqué que ça. On s'était jamais réellement disputés avant, lui et moi, et je peux pas revenir vers lui comme si de rien était alors qu'il avait toute ma confiance auparavant. C'est peut-être étrange de dire ça, mais ça fait pas la même chose avec Ken. Pas que je lui donne un traitement de faveur, mais Ken a malheureusement l'habitude de se fourrer dans des problèmes comme ça, il reste maladroit, il sait jamais quand avouer les choses. Mikaël, il est toujours franc, net, et y a tout qui sort de sa bouche sans filtre.

Là, il a mis des filtres, et ça passe pas, ça me dérange.

Dans un long soupir, je finis par descendre du lit, avant de le refaire soigneusement, puis je repose les cartons que j'ai dû enlever pour pouvoir dormir. C'est le même rituel tous les matins, je commence à avoir l'habitude. Heureusement que la pièce n'est plus aussi immaculée qu'avant, vu qu'on vient la vider un peu plus chaque jour avec ma mère, sinon ma présence la nuit se serait fait remarquer.

Après avoir réajusté un peu mon chignon, je finis par entrouvrir la porte, juste assez pour vérifier que la lumière de la chambre de mes parents est toujours éteinte. Et c'est le cas. J'ai juste à aller prendre mon verre d'eau, puis aller me coucher dans mon lit comme si de rien était.

Y a juste un obstacle supplémentaire aujourd'hui, et c'est Ken qui dort au salon.

Hier soir, quand on s'est regardé dans les yeux après avoir couché Thanos, le débat sur où il allait dormir s'est fait en silence. Sauf que dans ma tête, la question était déjà réglée. J'avais absolument envie de dormir dans ses bras, mais la vérité, c'est que j'avais besoin d'une dernière nuit dans la chambre de mon frère.

Milieu d'après-minuit · NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant