Chapitre 45

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Ken

Je me rappelle exactement du soufflement que mon annonce a provoqué ce jour-là. J'avais rien à foutre chez elle, encore une fois. La veille de Noël, alors que y avait des gens qui l'attendaient ailleurs, et qu'elle a fini en retard par ma faute. Parce qu'elle s'est retrouvée à écouter mes problèmes au lieu de se barrer, comme si j'étais le petit-frère en galère, et elle la grande-soeur sereine.

Elle m'a écoutée dire, sans vraiment le dire explicitement, que j'étais tombé amoureux une énième fois. D'une étudiante, plus jeune que moi, maman d'un petit garçon de cinq ans, et qui, à ce moment-là, venait de passer plusieurs longues semaines à faire comme s'il n'y avait rien entre nous.

Inès a soufflé. Ce jour-là, en entendant mes aveux, elle a soufflé. Je lui en veux pas. Si on reste dans l'honnêteté, j'ai jamais été un grand-frère incroyable. Toujours dans mon coin, un peu dans la lune, j'étais pas le meilleur pour jouer avec elle quand on était tipeus, ni pour écouter ses problèmes. Ça a empiré quand on a déménagé à Paname, et que j'ai rencontré les gars. De une, parce que je la voyais moins souvent seul à seul, et de deux, parce que rencontrer les gars, c'est synonyme de rencontrer Hakim.

Je lui ai présenté Hakim. Je m'en rappelle. Le début de la merde pour eux deux, faut avouer. C'est juste incroyable aujourd'hui, mais pendant des années, je veux même pas imaginer la douleur par laquelle ils sont passés. Pour oim. Parce qu'encore une fois, j'étais le poids au milieu, le gosse trop sensible pour qu'on envisage de le blesser en lui disant la vérité. Y a des jours où je me dis que même si je suis dans la trentaine, ça n'a pas changé.

Puis elle a grandi encore ma petite soeur, elle est rentrée au lycée, j'ai pas su la protéger de Pierrick, ou voir que y avait mieux que lui et plus amoureux d'elle juste à côté de moi, au studio. Elle a eu Souheil, Pierrick a dégagé, pile au moment où le rap ça a commencé à marcher pour moi. Donc j'ai fait quoi ? Je l'ai laissée tomber pour la musique. Elle et Souheil.

"Nek, c'est grave un lover." On rigole. C'est que quand ça m'arrange. Ma soeur a pas eu le droit à ce côté-là de moi, alors qu'elle le méritait et le mérite si fort. Elle m'a jamais lâché, elle m'a toujours encouragé, elle a toujours tiré si fort pour que je me relève quand ça n'allait pas. Et y en a eu une belle masse de moments où ça n'allait pas. Elle est peut-être plus musclée qu'Hakim au final.

Y a juste un que-tru où elle a toujours été extrêmement difficile. Mes meufs.

Je dis pas qu'elle faisait de la merde avec, nan, elle a toujours fait le strict minimum. Elle s'est jamais attachée. Elle s'est jamais projetée. Peut-être parce qu'elle avait l'habitude que je revienne 3 mois ou un an plus tard, dans sa cuisine, avec le coeur brisé, et c'est toujours à elle que j'ai confié la tâche de recoller les morceaux.

Alors ouais, quand je lui ai annoncé que j'étais encore tombé amoureux, elle a soufflé. C'est juste parce qu'elle savait pas qui elle s'apprêtait à rencontrer.

- Une table ? Vous êtes seule ? Je relève les yeux de ma limonade quand un des serveurs brise le silence de la salle.

Depuis qu'il est près d'elle, elle rayonne. Ça la grandit encore plus à mes yeux. J'ai toujours trouvé ma soeur belle, mais Hakim ajoute une dimension à son sourire et à ce qu'elle dégage. Debout devant le serveur, habillée comme si elle avait déjà repris le taff au cabinet, Ness a encore une fois aucune idée de ce que je vais lui sortir.

Je caresse l'invitation du bout des doigts sous la table depuis tout à l'heure.

- Vous devriez avoir mon frère quelque part, je souris quand elle rigole doucement. Brun, cheveux longs, qui écrit dans un carnet ? Ah, et une casquette probablement.

Milieu d'après-minuit · NekfeuWhere stories live. Discover now