Milieu d'après-minuit · Nekfeu

Chapitre 8

Alya

Pourquoi est-ce qu'il faut toujours qu'il y ait des surfaces réfléchissantes dans une cuisine ? C'est toujours la même chose. Quand c'est pas le four, c'est le micro-onde, quand c'est pas le revêtement des placards, c'est la fenêtre. Chez mes parents, c'est tout en même temps, surtout quand le soleil vient de se lever, et qu'il baigne toute la pièce de sa lumière.

Là, tout de suite, mon verre d'eau à la main, je vois que ça : ma silhouette dans le reflet de la porte du four. Adieu les courbes dont Ken est tombé amoureux, adieu ma silhouette de danseuse, bonjour la prise de poids et les jumelles. Et ce sera encore pire après l'accouchement. Il me regarde encore avec les yeux qui brillent parce que je porte ses filles et que pour l'instant ça donne bien, ce sera juste différent quand elles seront dans leur berceau et que mon ventre et sa peau seront en rémission.

C'est peut-être une bonne chose qu'il ait pas été là pour la naissance de Thanos. Au moins, il a rien vu de l'état dans lequel mon corps était juste après. Et encore, cette fois-là, j'avais pas eu à porter et à donner naissance à deux enfants, juste un. La peur qui commence à peser sur ma poitrine n'arrange absolument rien, vraiment rien. On vient à peine de se remettre à dormir tous les deux, même si on reste chacun de notre côté du lit, et dans quelques jours, peut-être même aujourd'hui, je ressemblerai plus à rien. Qu'est-ce que tu veux qu'il veuille me serrer dans ses bras dans cet état-là ?

- Mon ange ? Je sursaute presque quand le regard inquiet de ma mère se pose sur moi, encore en peignoir à l'entrée de la cuisine. Ça va pas ?

Elle n'a pas pu rater l'observation de mon reflet dans le four.

- Ça va, je lui lance mon meilleur sourire en reposant mon verre sur le plan de travail. Les filles étaient déjà réveillées, je laisse ma main glisser le long de mon ventre, alors je me suis levée aussi.

Le sourcil droit levé, elle soupire avant de s'approcher, sortir un mouchoir de la petite boîte qui traîne sous le comptoir, avant de venir essuyer ma joue.

- Tu m'expliques ça alors ? Elle caresse mon dos doucement en me montrant le mouchoir humide.

Pendant une dizaine de secondes, on se détaille en silence, en débattant sans un mot sur la question : est-ce que je te dis ce qui va pas ou pas ?

- Ton père est à la douche, elle essuie mon autre joue avec son pouce, Thanos et Ken dorment, je suppose. Y a que toi et moi mon ange, qu'est-ce qu'il y a ?

Impossible. Je vais pas pouvoir retenir, encore moins après avoir été prise sur le fait.

- Je vais plus ressembler à rien Maman, je murmure en reposant mes yeux sur mon reflet. Comment je suis censée lui plaire après ?

- Alya, ça ne prend qu'une seconde pour qu'elle me serre dans ses bras. Avant que je t'explique pourquoi tu as tort, elle relève mon menton pour me sourire doucement, crois-moi bien, je vous ai sentis sortir ton frère et toi, mon corps aussi, je sais ce que tu ressens. Maintenant, elle embrasse mon front, arrête de me sortir des bêtises pareilles. Tu serais sortie avec le pire des imbéciles, je t'aurais comprise, mais le père de tes enfants ne l'est pas. Il y a d'autres choses que ton physique dont il est amoureux, et tu ne peux pas demander à ton corps de vous donner deux filles gratuitement et sans séquelles.

- Mais on vient de se retrouver, je soupire, Maman je vais ressembler à rien.

- Tu vas être magnifique, avec vos deux princesses dans les bras, et Thanos près de toi. Tu sais parfaitement à quel point votre famille compte autant que votre couple aux yeux de Ken. Et de toute manière, son sourire s'élargit, votre couple ne se limite pas à ce à quoi tu ressembles, il est fou de toi mon ange. Dès que tu pourras reprendre le sport, elle remplit à nouveau mon verre d'eau, tu auras le pouvoir de réparer ce que tu veux. En attendant que ce soit possible, c'est une période incroyable, parce que tu vas comprendre à quel point Ken n'est pas là juste pour tes beaux yeux. Un thé ?