Chapitre 136

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|Bella|

Bella a une fâcheuse tendance à l'insomnie, et ce soir-là en particulier. Elle ressasse pendant des heures et des heures le passé, sans parvenir à trouver le sommeil. Alors, oui, pour une fois depuis longtemps, elle se situe dans un endroit plutôt sécurisé, mais cela n'empêche pas certaines pensées inquiétantes de fuser dans sa tête. Les images de son passé ne font que de se succéder en boucle dans son esprit, ne lui laissant aucun temps de répit. Elle n'est jamais libre.

Bella a toujours fait de son mieux pour ne pas s'effondrer. Elle s'est toujours battue pour sa vie, souvent au prix de celle des autres, devant oublier toute notion de morale et d'éthique. Comment agir noblement quand vous avez été perpétuellement entouré de malfaiteurs ? Bella a toujours rencontré des difficultés à s'identifier à quelqu'un, que ce soit à son père, ses formateurs de l'Enclave, ou ses semblables.

A-t-elle vraiment eu des semblables ? Au fond, pas vraiment. Personne n'a jamais agit pour son intérêt. Ainsi, personne ne pourra jamais comprendre la complexité de son psychisme. Victime à la fois bourreau, Linda et à la fois Bella, Bella n'a jamais eu une identité stable. Elle est devenue ce qu'on lui a forcé à devenir, mais au fond d'elle, elle ne sait toujours pas qui elle est vraiment.

Bella savait que l'Enclave la retrouverait un jour, et qu'elle reviendrait là où tout avait commencé. Elle n'avait jamais vraiment réussi à fuir, ils l'avaient toujours retrouvée. Elle savait que même avec cette alliance, elle finirait par se retrouver derrière les barreaux de ses créateurs. Au fond d'elle, Bella ne croyait pas au plan de ses alliés détestés. Elle était la mieux placée pour savoir que l'Enclave n'avait aucune limite et qu'ils accompliraient toujours leur sombre plan, quoiqu'il en soit. Bella n'était pas une éternelle pessimiste, elle était purement réaliste. On ne rivalise pas contre une organisation criminelle de cette ampleur, et ça, elle l'avait bien compris. Ils ne réussiront pas à mettre hors d'état de nuire l'Enclave.

Mais, Bella n'a pas le choix. Si elle ne conclut pas d'alliance, elle signe son arrêt de mort. On est dans un monde où le nombre incarne la domination. Elle ne peux pas se permettre d'être seule.

Et puis, subsiste un dernier espoir en elle : celui de connaître la famille qui lui reste, à savoir son demi-frère, Jonas. C'est à ça qu'elle s'accroche encore. Mais, elle n'est même pas sûre que ses alliés finiront réellement par l'aider à le retrouver. Elle n'est pas naïve : elle sait que toutes ces promesses ont été faites pour l'amadouer. Au fond, elle n'a pas confiance en ses alliés : la majorité éprouve bien trop de rancoeur pour elle. Mais, si Bella n'espère pas un minimum, autant abandonner tout de suite, autant se livrer à l'Enclave, où se jeter du haut d'un pont.

La soif pousse la jeune fille à se lever. Elle se redresse, retire sa couverture et pose ses pieds nus sur parquet glacé de sa chambre. Elle attrape un sweat, et se dirige silencieusement vers la cuisine. Son visage se ferme quand elle s'aperçoit que la pièce est déjà occupée.

Vildred est là, à couper des légumes sur le plan de travail, un couteau aiguisé à la main, entouré de bols d'épices. Si elle ressent tout de suite une rancoeur immense quand elle le voit, ça ne l'étonne pas qu'il soit ici à cette heure tardive. Vildred n'est pas quelqu'un qui dort beaucoup, du moins depuis qu'il n'a plus d'émotion. Selon sa logique, le temps de sommeil représente un temps où l'argent ne peut pas être gagné. Et puis, la cuisine était restée la seule chose qu'il aimait faire, depuis.

Bella éprouve beaucoup de colère à son égard, pour ce qu'il a fait à Luis Jimenez. Sans demandé l'avis de personne, il l'avait exécuté. Selon lui, il représentait une menace pour eux, comme il connaissait désormais leur plan. Une part était vraie, mais il avait enlevé à Bella une des dernières personnes qu'elle aimait, et cela avait procuré en elle une douleur et une colère immense. Mais, impuissante, elle ne pouvait rien faire. Vildred avait toujours tout contrôlé depuis la perte de ses émotions. Rien ni personne ne pouvait l'arrêter.

DoppelgängerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant