Chapitre 148

622 106 11
                                    

La rencontre avec les parents a été l'événement le plus marquant et émouvant de ma vie.

Il est vrai que mes souvenirs ont été perdus à tout jamais, mais avec tout ce qu'Isaac et les autres ont fait pour moi, mon futur semble enfin préservé.

Isaac a tout d'abord prévenu mes parents par téléphone. Il a appelé mon père, pour lui révéler toute la situation. Il lui a envoyé toutes les preuves, lui a raconté tout ce qu'on avait traversé pendant des jours. Cela s'en est suivi d'une mise en alerte par rapport à l'Enclave.

Je pense qu'il a été d'abord très choqué par les nouvelles. Ce n'est pas qu'il n'y a pas cru, mais de toute évidence, il lui fallait un temps nécessaire pour comprendre la réalité des choses. Ce n'est pas une situation courante d'apprendre que sa fille ne l'est pas et qu'une autre l'est. Je suis restée en retrait pendant tout l'appel. Je pense tout d'abord par pudeur, mais aussi parce que je ne savais pas vraiment quoi dire. Au fond j'avais peur. Peur qu'ils ne nous croient pas, peur qu'ils m'accusent de tous les méfaits qui avaient été rapportés, peur qu'on ait sacrifié tant de choses pour rien.

Mon père a surtout posé des questions pendant l'appel avec Isaac. Pourquoi ça s'était passé comme cela, pourquoi on s'était caché, pourquoi on avait pu avoir cette réaction. Isaac lui a répondu qu'on avait peur que les loups-garous ne nous croient pas, qu'ils ne puissent pas accepter ma véritable identité. Il a ajouté que c'était important pour nous de leur apporter les vraies preuves de la situation. Isaac ne voulait pas que la rencontre avec la meute se fasse dans une incertitude et des doutes venant de leur part. Il disait que ça me gâcherait le moment, et qu'il ne voulait pas me voir souffrir. Mon père était complètement déconcerté face à tout ce qu'il a dit, c'était certain, mais il n'a pas pu exprimer sur le moment réellement d'autres émotions. Pas parce qu'il n'en ressentait pas, mais sûrement parce que le choc était tel, qu'il ne pouvait rien d'autre communiquer.

J'ai entend ma mère a l'autre bout du fil. Elle ne parlait pas, mais elle pleurait. Je n'ai pas réussi à déterminer si elle pleurait de soulagement de m'avoir retrouvée, ou de tristesse d'apprendre que pendant tout ce temps sa fille lui avait été injustement arrachée, mais l'entendre sangloter m'a donné l'envie insatiable de la serrer dans mes bras pour la rassurer. Je ne peux pas imaginer la douleur d'une mère d'apprendre que pendant des années, sa fille a grandi dans un autre foyer, sans le savoir.

La discussion a été longue, très longue. Isaac a parlé du début à la fin, prenant en compte mon souhait de rentrer en communication avec mes parents uniquement quand ils seraient devant moi. Je ne voulais pas que notre première « vraie » rencontre se fasse au téléphone. Je voulais quelque chose de plus authentique, de plus profond. Peut-être aussi que j'appréhendais de leur parler au téléphone.

Bien évidemment, ils ont convenu d'un rendez-vous très rapide. Isaac a proposé qu'on vienne au Village le lendemain. Il était conscient que j'aurais sans doute besoin d'une nuit de réflexion avant la rencontre. Et cela n'a pas loupé. Je n'ai pas dormi de la nuit. Je n'ai fait que cogiter, appréhender, et répéter en boucle la conversation téléphone à laquelle j'avais assisté plus tôt dans l'après-midi. Je savais qu'au fond de moi j'étais heureuse de les rencontrer, mais mon anxiété avait pris entièrement le dessus sur mes autres émotions. J'étais complètement tourmentée.

Et s'ils ne réussissaient pas à m'apprécier ? Et s'ils me reconnaissaient pas comme leur fille ? Et s'ils ne me croyaient finalement pas sur toute cette histoire ? Les choses avaient été si catastrophiques ces dernières semaines que j'étais obligée d'imaginer le pire pour la suite des événements. Ce fut donc une nuit agitée et atroce. Je n'ai finalement dormi que deux heures vers l'aube, après m'être endormie d'épuisement à force de lutter contre les angoisses. Isaac a essayé de me rassurer. Mais, je savais qu'au fond il n'en avait pas le pouvoir. Cependant, j'ai apprécié sa présence et son soutien. Sans lui, je ne serai sûrement pas ici à l'heure qu'il est. Je lui dois beaucoup.

Et puis, est venu le moment où on a dû partir. Assise à l'avant, à la place passager de la voiture d'Isaac, j'ai observé le paysage défiler, pensive et anxieuse. J'ai essayé d'imaginer la première phrase que je dirais, puis que je suis demandée si je devais les prendre dans les bras, ou si eux prendraient cette initiative. Il y avait tant de questions, d'hésitations, d'incertitudes. Et puis, j'ai essayé d'arrêter de penser, de laisser les choses se faire. La mentalisation ne me permettrait pas de me calmer. J'avais surtout besoin de faire le vide dans la tête.

Alors j'ai allumé la radio d'Isaac, et on a écouté sa playlist de country. Je me suis sentie bien le temps d'un instant. J'ai voulu voir les choses sous un prisme différent. Je me suis rappelée qu'il y a quelques mois de ça, je n'avais qu'un père maltraitant et une mère qui n'en avait rien à faire de moi, ayant été payée pour porter un enfant. Aujourd'hui, j'avais une famille. Ma famille. Et, j'étais profondément reconnaissante d'avoir enfin ce dont j'avais toujours rêvé. Peut-être qu'en fin de compte tout n'était pas perdu, que l'espoir renaissait.

Et puis, est arrivée cette fameuse rencontre. Je l'avais tellement appréhendée, alors qu'en réalité elle s'est déroulée en toute simplicité et authenticité. Au début on n'a pas dit grand chose. Ma mère fut la première à me prendre dans ses bras. Elle s'est mise à pleurer, me serrant en tremblant contre elle. J'ai senti son cœur s'emballer dans sa poitrine comme s'il allait exploser.

Mon père nous a rejoint, nous serrant toutes les deux dans ses bras. Ce fut un moment si bouleversant, mais en même temps de soulagement immense. J'étais enfin apaisée. Je ne pouvais expliquer pourquoi, mais quand ils m'ont prise serrée contre eux, je n'ai pas eu de sensation d'étrangeté. J'avais l'impression que ce sentiment était familier, qu'on se s'était que quitté pendant quelques jours, comme si au fond de moi je savais que je les connaissais, comme si je n'avais jamais oublié ses quatorze premières années de ma vie avec eux. Il n'y eu pas de question, pas de phrase longue et compliquée, juste trois mots qui m'ont suffit à me sentir inlassablement acceptée.

« On t'aime. »

Et puis, est apparue devant moi la jeune Maddie. Je l'ai longuement regardée, et je me suis transposée à son âge, quand on m'a enlevée à ma famille. Je l'ai trouvée alors si forte et courageuse. Maddie a effleuré de ses doigts fin la bague qu'elle m'avait donné le jour où j'ai dû quitter la meute d'Isaac parce que les loups-garous me suspectaient de meurtre. Par ce don, j'ai compris que Maddie ne me croyait pas coupable. Elle m'expliquera bien après qu'elle avait toujours ressenti quelque chose en ma présence, qu'au fond d'elle, elle avait compris que j'étais la vraie Bella. C'était pour cela qu'elle m'avait sauvé la vie, le soir où elle avait tué d'une flèche en bois dans le cœur le vampire qui me poursuivait.

Je l'ai serrée dans ses bras, à son tour, et j'ai senti ses larmes couler sur mes épaules. J'ai longuement pleuré avec elle, ne pouvant pendant plusieurs longues minutes me détacher de ma petite sœur.

Et puis, il y a avait Parker. On a rit tout les deux en se regardant, puis on s'est pris dans les bras pour sceller notre réconciliation. Ennemis au début, pour terminer en cousins et alliés... Notre histoire n'était sûrement pas commune. On s'est dit après ça qu'on serait soudés quoiqu'il arrive, malgré nos querelles passées.

Et puis, après des émotions fortes faites de rires et de larmes, un sentiment plus ardent a embrasé le creux de mes entrailles. J'ai alors pensé à l'Enclave, à ce qu'ils avaient fait. J'ai fixé à un à les membres de ma famille, et m'est revenu de plein fouet une haine immense pour ceux qui nous avait injustement séparés. Je me suis jurée d'aller au bout de ce que j'avais prévu, et de les réduire à néant.

Et puis, au fur et à mesure de nos éteintes, les loups-garous de la meute nous ont encerclés. Je me suis détachée de Parker et j'ai porté mon regard tout autour de moi. Un à un, les loups-garous se sont inclinés vers moi, prêtant dignement allégeance à leur héritière.

J'ai alors échangé un regard avec Isaac, qui était resté calme et silencieux, légèrement à l'écart. Il s'est approché de moi et a levé mon bras, alors que les loups m'ont acclamée. Mon cœur s'est soulevé quand j'ai vu que tous ces gens que je ne connaissais pas encore étaient dévoués pour moi. Ils m'aideraient à accomplir ma mission sans relâche. J'ai enfin compris ce que représentait la loyauté des loups. Un grand frisson à parcouru mon échine et j'ai adressé à mon assemblée un regard vif et téméraire, en leur déclarant cette fameuse phrase.

— Ce n'est que le début.

DoppelgängerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant