Chapitre 143

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|Bella|

Souvenirs...

Bella n'a jamais pu enlever de son esprit le jour où on l'a transférée dans la meute. A tout juste quatorze ans, elle avait passé toute son enfance à être formée pour devenir une autre. Il fallait qu'elle pense comme elle, qu'elle agisse comme elle, qu'elle soit elle.

Sa formation avait été rude, mais cela faisait plusieurs années que Bella ne pleurait plus. Plus rien ne semblait l'affecter, comme si elle elle était devenue une machine, n'existant plus que pour exécuter parfaitement un programme : Celui d'être quelqu'un d'autre. Elle n'avait plus qu'un objectif en tête : exécuter tous les ordres qu'on lui avait donné. Rien d'autre n'avait d'importance pour elle. Elle avait été formatée pour penser ainsi, à ne pas pouvoir faire de différence entre le bonheur et le malheur, le bien et le mal.

Elle était sur le point de vivre ses derniers instants avec son père. La séparation avec ce dernier ne la dérangeait pas, ils n'avaient été ni proche ni complice. Il n'était en réalité qu'un intermédiaire entre elle et l'Enclave. Dorénavant, elle se sentait prête à accomplir ce pour quoi elle était née, et pour cela elle n'aurait plus besoin de lui. Elle ne le reverrait sans doute jamais. Le plan avait été bâti ainsi.

Son père l'emmena en voiture jusqu'à La Nouvelle Orléans, depuis New-York. Au bout de plusieurs heures de route, des buildings les entourèrent. Ils venaient d'entrer dans le célèbre Central Business District. Approchant d'un bâtiment particulier, ils descendirent en voiture dans un parking. Ils sortirent du véhiculent et empruntèrent un ascenseur qui les fit descendre un étage en dessous.

Les portes s'ouvrirent et apparut devant eux une jeune femme brune, les cheveux tirés en chignon, et vêtu d'un tailleur sombre.

— Bonjour. Veuillez me suivre. Monsieur Griffins devrait vous recevoir d'ici quelques minutes, déclara-t-elle sur un ton mécanique.

Bella fut séparée alors de son père, et ne sut pas que ce fut la dernière fois qu'elle le vit. La femme la fit entrer dans une pièce sombre.

Une fenêtre sans teint incrustée dans le mur donnait sur une autre pièce. Le regard de Bella fut attiré par cette dernière. Elle s'approcha de la vitre, et aperçut de l'autre côté son parfait sosie, assise sur une chaise, se débattant contre l'emprise d'un homme qui la forçait à ne pas bouger. Elle n'entendît pas ses cris, mais Bella savait que cette fille était en train de hurler à s'en détruire la voix.

Bella, qui n'avait pas ressenti d'émotion depuis des années, sentit son sang se glacer dans ses veines : une sensation qui lui donna une impression étrange qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps. Une impression de vie.

Elle comprit que cette fille qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau était celle qu'elle devrait remplacer. Elle frissonna, voyant la frayeur habiller son visage et la terreur ses yeux. Était-ce un début d'empathie qu'elle commençait à éprouver ? Pourtant, on l'avait obligée lors du formatage à réfréner toutes ses émotions. Mais, de voir cette pauvre fille effrayée et impuissante ne pouvait pas la rendre indifférente. Beaucoup de choses se bousculèrent dans son esprit. Elle ne put mettre à ce moment-là aucun mot dessus.

— Ne me dis pas que la simple vue de ton sosie te rend hésitante pour la suite, Linda, tonna une voix forte et masculine derrière elle.

Bella, qu'on prénommait jusqu'alors Linda, prénom octroyé à sa naissance, sursauta, puis se tourna vers le nouveau venu.

DoppelgängerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant