Chapitre 13

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 - Laisse-moi résumer, déclare Vywyan tout en enroulant une bande stérile autour de mon bras. Vous faites tous les trois partie d'une espèce d'agence intergalactique de maintien de l'ordre...

Elle esquisse un sourire sur le dernier mot. Moi, Cass Jackson, travaillant au maintien de l'ordre ? Je comprends qu'elle ait des doutes.

- ...et vous soupçonnez MétaLab d'expérimenter sur des enfants.

- C'est un peu plus que des soupçons, la corrige Ross.

Il achève d'une main experte le pansement de Tyler. Le pauvre est pâle comme la mort depuis que Vywyan l'a débarrassé, le plus délicatement possible, de son tracker.

- Je ne comprends toujours pas d'où viennent ces infos, intervient-il.

- Personne t'a demandé ton avis, gamin, grogne mon coéquipier.

- Pas la peine d'être désagréable, commence la voyante.

Elle s'interrompt quand la bande qu'elle essaie de nouer lui échappe des mains. Ross baisse un regard critique sur son ouvrage, bien moins propre que le sien.

- Je vais m'en occuper, lance-t-il.

Je hausse un sourcil ironique tandis qu'il prend la place de la zoonite.

- Tu ne veux plus me voir morte ?

- Encore une fois, Jackson, si j'avais voulu te tuer, j'aurais réussi.

Peu importe ce qu'il prétend, je m'attend presque à ce qu'il referme sa main sur ma plaie et serre jusqu'à ce que le sang se remette à couler. Mais non : ses doigts sont d'une douceur surprenante sur ma peau. Il ne met que quelques secondes à terminer le bandage-à croire qu'il a fait ça toute sa vie. Peut-être que panser les blessures fait partie de sa programmation.

Mon regard glisse vers son propre bras. Il a remis sa veste, mais je sais que si je remontais sa manche, je ne trouverais rien d'autre qu'une peau parfaitement lisse. A peine avait-il arraché le tracker que l'incision se refermait.

- Tu m'as bien dit que l'influence de MétaLab empêchait Junon de nous ordonner officiellement d'enquêter sur eux, Ross ?

- Oui, et tu m'as dit que c'était une idée stupide.

J'ignore ce dernier commentaire.

- Cela signifie que, pour que l'Organisation puisse s'opposer frontalement à MétaLab, il nous faut des preuves en béton. Et pour trouver des preuves...

- Tu veux infiltrer leurs labos, comprend Vywyan.

- Exactement. Avec l'aide de Tyler pour la partie informatique, la tienne pour...le reste.

- Désolé, mais quel reste, exactement ? se moque Ross. Qu'est-ce que la voyante est censée faire ? Nous tirer les cartes ?

Je souris.

- Plus ou moins, oui.

- Vywyan s'occupe de toutes sortes de cartes, explique Tyler.

Mon coéquipier hausse un sourcil sceptique.

- Une faussaire ?

- Je suis là, vous savez ? lance notre hôte.

Je me tourne vers elle et demande, inhabituellement sérieuse :

- Alors ? Tu vas nous aider ?

Elle me fixe quelques secondes, puis lève les yeux au ciel.

- Évidemment. Je serai toujours là pour toi, Cass. Même si je sais que tu me le feras regretter.

J'essaie de cacher à quel point son reproche me fait mal. Elle est dans notre camp, et c'est tout ce qui compte.

- A toi de jouer, Tyler.

Le jeune homme rougit, flatté, et sort de son sac à dos un projecteur holographique portable. Des chiffres et des lettres apparaissent au-dessus de la plaque de verre, et il les fait défiler à toute vitesse du bout des doigts.

Nous le laissons travailler, le silence s'installe. Vywyan s'éclipse en marmonnant quelque chose à propos de thé. J'ai du mal à tenir en place, mes pensées ne cessent de revenir à Akhilleús. Mon regard tombe sur Ross et j'essaie de me concentrer sur lui. Il se tient droit, impassible comme toujours. Ses yeux gris, insondables, sont rivés sur le hacker.

Vywyan revient avec quatre tasses et m'en glisse une dans les mains. Elle fait de même avec mon coéquipier, qui fronce les sourcils d'une manière assez comique.

- Non merci.

- Ça aide à la cicatrisation.

- J'ai déjà cicatrisé...

- Ce n'était pas une proposition.

Je m'efforce de cacher mon sourire. Vywyan Kat a la manie de vouloir prendre soin de tout le monde, et une manière assez autoritaire de le faire. Ross me jette un regard presque perdu, comme s'il s'attendait à ce que je le défende. Il peut toujours rêver. Je lui fais un clin d'œil en portant mon mug à mes lèvres. J'espère qu'il s'étouffera avec son thé.

- J'ai quelque chose, nous informe Tyler.

Deux photos apparaissent au-dessus de la table. Sur la première figure une femme : des cheveux roux noués en un chignon strict, une paire de lunettes carrées devant ses yeux marron. Sur la seconde, un homme : une tignasse noire plaquée en arrière et deux pupilles bleu pâle.

- Je vous présente les Docteurs Carole et Yann Meyers. Un couple de chercheurs en microbiologie, très récemment engagé par MétaLab.

- Récemment à quel point ?

- Ils commencent dans deux jours. Personne ne les a encore vus autrement qu'en hologramme. Ils viennent de Bäj 66 arrivent demain sur Zanko 10. Ils ont la vingtaine, et les tailles correspondent. Si tu te teins les cheveux, Cass...Ross et toi pourrez vous faire passer pour eux sans problème.

Mon regard tombe sur les informations qui flottent sous la photo de Carole.

- Comment ça, les tailles correspondent ? Je fais plus d'un mètre cinquante-neuf !

- Si tu le dis...

Je lève les yeux au ciel et me tourne vers Vywyan.

- Deux jours, c'est assez pour toi ?

- Je suis une pro. Mais des faux papiers ne suffiront pas. C'est différent de ce dont tu as l'habitude, Cass. Il ne s'agit pas de créer un personnage, mais d'incarner une personne réelle...

- Auprès de gens qui ne la connaissent pas. Facile.

Je me penche vers l'hologramme, étudie les visages. Carole a un nez plus pointu que le mien, mais nous nous ressemblons-assez, en tout cas, pour que des inconnus s'y trompent. Quant à Yann...ses traits sont moins réguliers que ceux de Ross, sa mâchoire moins carrée. Mais la couleur des cheveux est la bonne, et celle des yeux est assez proche. Avec la bonne tenue et une teinture pour moi, la supercherie sera parfaite.

- Il faut surtout qu'on s'assure que les vrais Carole et Yann Meyers ne débarquent pas, intervient Ross.

- Merci, répliqué-je, sarcastique. On n'y aurait jamais pensé sans toi.

- Je peux leur envoyer un mail, propose Tyler. Leur dire que la direction a changé d'avis et ne veut plus d'eux.

- Tu crois qu'ils vont avaler ça ? objecte mon coéquipier.

- Bien sûr, affirme le jeune homme, puisque le message proviendra de l'adresse officielle de leur employeur.

Nous discutons encore de détails et d'autres pendant quelques minutes. J'ai l'habitude de ce genre de discussions, c'est loin d'être la première usurpation d'identité que j'organise. Cette fois, pourtant, c'est différent. Cette affaire est personnelle. Ce n'est plus une question d'argent, mais de vengeance. Je me sens presque...fébrile.

Notre dernier lien avec l'Organisation a été coupé quand nous avons retiré nos trackers. Nous ne sommes plus que quatre criminels complotant dans un salon autour d'une tasse de thé. Un groupe dysfonctionnel, avec un plan horriblement risqué. 

Cass (sf/romance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant