Chapitre 45

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 A peine ai-je mis un pied dans le laboratoire que toutes les armes se tournent vers moi, accompagnées d'autant de têtes sans visage. Je lève les mains, espérant montrer que je ne suis pas une menace-ce qui me semblait déjà plutôt évident, à une contre plus de dix, mais bon.

J'examine la pièce. Je serre les points en apercevant Ross, inconscient sur le sol. Thétis est accroupie à côté de lui. Est-ce elle qui lui a enfilé l'uniforme de Rémond ?

- Baissez-vos armes, ordonne-t-elle à ses hommes.

Ils s'exécutent. Elle se redresse et se tourne vers moi.

- Mlle Jackson, m'accueille-t-elle. Je t'attendais accompagnée.

- Toutes mes condoléances. Ton clone adoré s'est fait percer le crâne.

Elle se contente de hausser un sourcil.

- Intéressant. Tu te rends donc de ton plein gré ?

- Oh, je ne compte pas m'attarder. Je suis simplement venue récupérer mon coéquipier.

- J'espère que tu ne parle pas de mon fils. Roma est plutôt occupé en cet instant.

- Ross est allongé sur le sol parce que tu l'as drogué. Si c'est ça que tu appelles une occupation, je pense qu'il peut la continuer ailleurs.

Elle s'approche de moi sans répondre. Elle me dévisage ouvertement, comme on examinerait un bout de viande. Puis, comble de l'horreur, elle lève une main et la passe sur ma joue-exactement comme elle l'a fait à Ross quelques minutes plus tôt. Je recule avec un frisson de dégoût.

- Je suis heureuse que Rémond ne t'ai pas tuée, en fin de compte. La manière dont ton pouvoir s'est développée est des plus fascinantes. Et puis, d'une certaine manière, tu es ma fille aussi, tu sais. Vous l'êtes tous, vous, les enfants d'Akhilleús.

Je voudrais lui dire quelque chose d'intelligent, quelque chose de mémorable. Mais les seuls mots que j'arrive à sortir à travers la rage qui m'étouffe sont :

- Je te hais.

Elle éclate de rire et pendant un instant, ma colère est telle que ma vision se brouille.

Respire, Cass. Concentre-toi. Tu dois trouver un moyen de sortir d'ici.

Je me détourne de Thétis, examine de nouveau la pièce, à la recherche de quelque chose qui me permettrait de vaincre, seule, le bataillon qui m'entoure. Mon regard s'arrête sur la cuisse de l'un des soldats. Dans un minuscule fourreau gris, là où on s'attendrait à une arme, se trouve une seringue remplie d'un liquide vert fluorescent. Ça pourrait être n'importe quoi, mais je sais qu'il s'agit de Styx. Ce doit être une version différente de celle que j'ai subie, cependant. Peut-être celle que le zoonite que j'ai tué revendait aux gangs trekyens, et qui n'agit que temporairement.

Si besoin, les hommes de Thétis sont tous prêts à s'empoisonner pour augmenter leurs capacités. Et moi ? Le ferai-je ?

Ils sont protégés de ma télépathie. Mais si je la rendais plus forte, ces cercles de métal seraient-ils toujours aussi efficaces ?

Je n'hésite qu'un instant. Profitant de l'effet de surprise, je me jette sur le soldat le plus proche et m'empare de sa seringue.

- Non ! s'écrie Thétis.

Trop tard : j'ai déjà enfoncé l'aiguille dans ma jambe.

Pendant un instant, il ne se passe rien. Puis la douleur explose. Mes nerfs, mes veines, chacune de mes cellules hurlent et hurlent encore. Plus que tout, c'est ma tête qui me fait mal. Mon crâne est en feu, j'ai l'impression de sentir la chair fondre sur mes os. C'est pire que dans mes souvenirs, pire que tout ce que j'ai jamais ressenti.

Quelqu'un crie. Est-ce moi ? Non. Non, ce sont les autres, tous les autres autour de moi qui rugissent comme des animaux à l'agonie.

Lentement, la souffrance reflue.

Je suis en train de mourir. C'est la seule explication possible. J'ai l'impression de flotter sur un fleuve cotonneux, ou peut-être au milieu des nuages. Une douce chaleur m'envahit, détend mes muscles crispés par la douleur. Des taches colorées dansent tout autour de moi et j'ai envie de rire. Je me sens bien, oui, tellement bien. Une par une, mes sensations s'évanouissent ; mon corps me paraît de plus en plus éloigné, comme si mon esprit était en train de s'en détacher. Je ne cherche pas à le retenir. Je n'ai plus envie de lutter.

Tout à coup, quelque chose me tire violemment en arrière, m'arrache à ma torpeur. La douleur se réveille et je lâche un gémissement.

- Cass ! Cass, reste avec moi. Cass...je t'en supplie, Cass.

Un visage apparaît au-dessus de moi, mélange brouillon de noir, de gris et de blanc. J'essaie de me rappeler son nom mais les mots m'échappent comme du sable vous glisse entre les doigts.

- Cass, garde les yeux ouverts.

Je ne peux pas. Je voudrais, mais je ne peux pas, alors je laisse mes paupières retomber.

La dernière chose que je sens, c'est le contact délicat de ses lèvres sur mon front et celui, désespéré, de ses mains qui m'agrippent les bras. Puis l'obscurité m'emporte.

Cass (sf/romance)Where stories live. Discover now