Cass (sf/romance)

Chapitre 49

Je suis assise sur mon lit, dans la chambre spartiate que m'a attribuée l'Organisation. Mon doigt tremble au-dessus de ma tablette.

Il n'est pas trop tard pour renoncer, Cass, me rappelé-je.

Non, il n'est pas trop tard, mais il faut que je sache. Que je rompe mes derniers liens avec mon passé.

Je prends une grande inspiration, et ouvre la corbeille. Un unique fichier m'y attend, celui que j'ai supprimé quelques jours plus tôt, en parcourant les dossiers d'Akhilleús. Un document qui ne porte pas un nom, mais un numéro : 55.

Je l'ouvre et me fige aussitôt, fascinée par ma propre image.

Je devais avoir quatre ou cinq ans sur cette photo, mais je n'en parais pas plus de trois. Une fillette fébrile, trop pâle et trop mince, à la fois étrangère et terriblement familière.

Mais ce n'est pas ça qui m'intéresse. Je fais défiler le fichier, le cœur battant. Je sais que je ne devrais pas espérer, mais je ne peux pas m'en empêcher.

Et si j'avais une famille ? Une famille bien vivante, qui serait heureuse de me retrouver ?

Enfin, j'arrive à l'encadré que je cherche.

Nom : Alicia Aebby

Parent 1 : Madlyn Aebby

Parent 2 : Jane Aebby

Je fixe ces mots quelques instants, sous le choc. Puis-c'est plus fort que moi-j'éclate de rire.

Jane et Madlyn Aebby, que j'admire de loin depuis des années. Celles qui monopolisent la première place sur la liste intergalactique des personnes recherchées.

J'ai deux mères. Deux mères vivantes. Et ce sont les arnaqueuses les plus douées de leur siècle.

Il faut croire que l'escroquerie est un talent de famille.

Je ferme le dossier et ouvre un moteur de recherche. Dès que j'entre le nom Aebby, une série d'articles apparaît. Je clique sur le premier et laisse échapper un cri de stupeur en découvrant le titre.

ARRESTATION DES AEBBY : LA CHUTE DES REINES DU CRIME ?

En dessous se trouve la photo de deux femmes en combinaison de détenue, encadrées par des policiers. Loin de paraître inquiètes, elles font un clin d'œil à l'objectif. Madlyn a la peau bleue et les cornes des habitants de Yajtu 7, et Jane...Jane me ressemble. Petite, deux yeux presque noirs et un fouillis de cheveux blonds coupés courts.

Quand il m'a emmenée sur l'OS768, le Prof savait-il que c'était la planète natale de ma mère ? Probablement pas.

Je parcours rapidement le texte. Les deux voleuses ont été capturé à la suite d'une course poursuite spectaculaire, qui a mobilisé près de cinquante vaisseaux spatiaux. Elles ont été emmenées à la prison de haute sécurité Baklang.

Mon ventre se noue. Baklang est réputée pour son niveau de sûreté hors norme. Certains la surnomme même « Zéro »-en référence au nombre d' évasions réussies depuis sa création. Madlyn et Jane pourront adresser aux caméras tous les clins d'œil du monde : elles ne sortiront pas.

Pas seules, du moins.

J'ignore si elles seront heureuses de me voir, si elles se souviennent encore de leur fille disparue. Une chose est sûre, cependant : je viens de me découvrir une famille, et je ne compte pas l'abandonner de sitôt.

C'est alors que la porte s'ouvre. Ross entre et me sourit. En un instant, je suis sur mes pieds, ma bouche collée sur la sienne, et il m'attire contre lui. On s'embrasse jusqu'à ne plus pouvoir respirer.

- Qu'est-ce qui me vaut un tel accueil ? souffle-t-il contre mes lèvres.

- J'ai pas le droit d'être de bonne humeur ?

- Oh, si. Tu devrais même l'être plus souvent.

Je le fusille du regard, et il éclate de rire. Puis, à mon grand malheur, il s'écarte de moi.

- Junon veut nous voir.

- Pour nous proposer un poste ?

Il hoche la tête.

- Tyler a déjà accepté de reprendre le sien, et Vywyan vient de signer son contrat.

Ça ne m'étonne pas d'elle. En dépit de son métier de faussaire, mon amie a toujours détesté le crime, toujours voulu se battre pour les plus faibles.

J'ai beau l'admirer pour ça, je sais que ce n'est pas ma voie.

- Malheureusement, déclaré-je, je vais devoir refuser. J'ai une évasion à planifier.

De nouveau, Ross sourit. Ça lui arrive de plus en plus souvent.

- Très bien, me répond-t-il. Et qui allons-nous faire évader ?