Chapitre VI

72 11 2
                                    

VI

Meerk, Benn, Permien, Yarin et Ilhoé sortirent encore de la voiture, mais Hannah ne leur prêta qu'une demi-attention – à peine un petit salut et un sourire factice. Elle avait sentit comme quelque chose se briser en elle. Ce n'était pas possible.

Je te présente Saul. Mon fils – et celui de Maïke. J'ai beaucoup de choses à te dire.

Non, non, non. Oh, Örka ! Inconsciente qu'elle était ! Elle ne pouvait pas passer sa vie aux côtés de cet homme. Non, il était toxique, il était abominable. Que pouvait-elle bien lui trouver ? Il était comme tous les hommes – non, il était bien pire que ça encore. Elle ne pouvait pas confronter Örka – elle avait déjà préféré partir loin avec lui plutôt que de rester seule au palais, alors si elle lui parlait franchement... elle courait le risque de la perdre pour toujours. Et ça, ç'aurait été pire que tout.

Elle se prit la tête entre les mains. Non. C'était un cauchemar. Un enfant ? Mais qu'est-ce qu'il lui avait pris ? Örka était beaucoup trop jeune, c'était à peine si elle était majeure. Et si elle n'était pas prête à être mère ? Et si Maïke – non, et si aucun des deux n'était prêt à être parent ? En même temps, pouvait-elle vraiment les juger ? Elle-même, était-elle prête à être mère ? Ah, certainement pas. Ça ne risquait pas d'arriver. En plus, ça voulait dire qu'ils avaient... qu'ils avaient...

Elle déglutit avec difficulté.

Évidemment, idiote ! Tu croyais qu'ils se contentaient de se prendre gentiment dans les bras, depuis plus d'un an et demi qu'ils vivent ensemble ?

Elle se reprit ; elle devait se reprendre. Et si... et si Maïke l'abandonnait pour fuir ses responsabilités ? Qu'adviendrait-il d'Örka alors ? Et si Maïke la trompait – enfin, elle était déjà sûre qu'il l'avait fait auparavant –, s'il la battait ?

Calme-toi, Hannah. Tu te fais du souci pour rien.

Mais elle ne parvenait pas à s'en convaincre. Örka vint s'asseoir à côté d'elle sur l'un des canapés du hall, et afficha un air inquiet.

– Ça ne va pas ? Tu n'as pas l'air très heureuse de me voir.

– Örka, tu n'imagines pas à quel point ta venue me comble de joie. Je ne réalisais pas à quel point tu m'avais manqué.

– Il faut qu'on parle. On a plein de choses à se dire, pas vrai ?

– Oui, viens – on va se trouver un cadre un peu plus privé. J'appellerai Bardds pour qu'il te montre tes appartements plus tard.

L'impératrice prit sa vieille amie par la main et lui fit traverser d'immenses salons d'honneur aux plafonds aussi hauts que resplendissants, jusqu'à un splendide escalier blanc un peu reculé, et qui conduisait directement au couloir des quartiers impériaux.

– Mon Dieu ! Que c'est grand, souffla Örka. J'avais oublié à quel point tout est si... grandiose. Notre château de Burest City est très bien, mais il est plus du style vieilles fourrures et trophées de chasse que dorures et marbre comme ici. Fais attention à toi, Hannah : à force d'habiter ici, tu vas te pourrir...

Elle regarda son interlocutrice, un petit sourire amusé sur les lèvres.

– A moins que ce ne soit déjà fait, acheva-t-elle.

Hannah lui donna une tape qu'elle esquiva et à laquelle elle répliqua par une attaque de chatouilles.

– Ha ! criait Hannah deux fous rires, ha ! Sont-ce là des façons de traiter sa souveraine et impératrice ?

L'éveil de Karey Daa (Les XXIs, livre III)Where stories live. Discover now