Chapitre XVII

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XVII

Hannah resta dans ses appartements pour le reste de la journée. Après la collation qu'on leur avait servi pendant l'exécution, ils avaient pris un repas léger à leur retour au palais, puis les effets secondaires de toutes ses actions avait commencé à faire effet, et elle s'était trouvée mal. Elle avait passé de longs moments dans la réflexion, d'autres dans le doute, et au final elle en était ressortie avec l'espoir d'avoir correctement interprété la prédiction qui avait été faite – auquel cas, l'odeur du sang qui n'avait cessé de couler de toute la matinée devrait leur ramener Haars Besoor au plus vite. Et pourtant, cela semblait presque trop simple. Est-ce qu'ils ne venaient pas d'agir en considérant le Suprême comme un minotaure assoiffé de sang ? Elle soupira en enfouissant sa tête dans l'épais accoudoir de son fauteuil vert. Elle espérait vivement que viendrait un jour où, plus âgée et expérimentée, elle ne se poserait plus de questions. Est-ce que Urieh son père, du temps où il était à la tête des Premiers, se trouvait également dans un questionnement perpétuel ? Non, impossible ; lui devait avoir toujours senti au fond de lui-même qu'il aurait un rôle à jouer, lui devait être sûr de ses actions, car lui avait affronté les terribles épreuves de l'opposition avec toute la maturité d'un esprit adulte.

– Je ne dois pas douter, murmura Hannah. Quand on doute, c'est qu'on est déjà perdu. Je suis adulte, je suis l'impératrice d'un triple empire, je suis presque à la tête du monde, je ne dois pas l'oublier.

Un léger sourire passa sur ses lèvres ; elle se redressa, sonna Anne et demanda qu'on lui apporte un thé et qu'on fasse venir Örka. Dix minutes plus tard, ses deux ordres étaient exécutés, et ce fut en compagnie de sa meilleure amie qu'on lui apporta une théière de fine porcelaine sur un plateau d'argent. Sunni servit deux tasses et sortit en s'inclinant.

– Je suis désolée de t'arracher à tes devoirs de mère, commença Hannah en saisissant sa soucoupe et en se retenant d'ajouter et d'épouse, mais même si le spectacle de ce matin était assez réjouissant, j'ai besoin de me changer les idées.

– Ne t'en fais pas pour ça, répondit Örka en riant et en ajoutant une cuillerée de sucre à sa tasse, il est grand temps que Maïke prenne un peu conscience de ses devoirs de père. Par contre, je te préviens que je te considérerai comme coupable si Lii me jalouse l'après-midi que nous allons passer.

– Tant pis pour elle ; tu ne seras pas toujours à mes côtés, et elle si.

– La pauvre ! On dirait que tu la considères comme ton boulet. Au moins, elle ne cède aucune part de son affection pour toi à son compagnon.

– Est-ce que tu es en entrain de sous-entendre que toi si ?

– Tu vois des sous-entendus partout.

– Je veux bien que tu sois une crème, mais vouloir que je préfères Lii à toi, c'est pousser le bouchon un peu loin.

– Ça ne me déplaît pas d'être une crème à tes yeux, vu comment tu savoures celles qu'on te sert pour le dessert.

– C'était à peu près aussi nul que gênant.

– Tu es méchante !

– C'est ma spécialité ; je gouverne d'une main de fer, après tout.

– C'est possible de parler avec toi sans que tu mentionnes ta fonction ?

– Tu espères parler à l'Impératrice de l'Angleterre, de l'Allemagne et de la Hongrie, et qu'elle fasse preuve de modestie ?

– La modestie est la politesse des rois, renchérit Örka avec un ton plein de taquinerie.

– C'est la ponctualité.

L'éveil de Karey Daa (Les XXIs, livre III)Where stories live. Discover now