Chapitre XIX

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XIX

Hannah était pétrifiée contre le bord de sa coiffeuse. C'était impossible... Les Hommes en Violets... Cette race maudite s'était exterminée d'elle-même à la mort de S.M. ! Comment... ? Elle le toisa des pieds à la tête – cette carrure forte, ces bras sublimement musclés, cette mâchoire forte, ces cheveux courts et d'un blond cendré, ce nez droit, cette peau lisse et pâle, ces yeux bleus presque aussi glacials que les siens, tout chez le nouveau venu lui était inconnu, à part ce vêtement si caractéristique qu'il portait.

L'inconnu resta un instant sans mouvement – il s'était pourtant préparé à cette rencontre depuis qu'il était parti. Quand enfin il eut repris ses esprits, il fit un pas ; Hannah l'arrêta immédiatement en brandissant son couteau et en posant son doigt sur le bouton de son alarme personnelle. S'il ne réagit pas à la menace de l'arme, en revanche il se dressa à la vue du bouton, et posa son bras sur celui d'Hannah.

– N'appelle pas ! Quand tu sauras ce que j'ai à te dire, tu préféreras que nous soyons seuls. Et je ne parlerai pas devant tes chiens de garde. Comme tu dois t'en douter, je ne suis pas sensible à la torture – c'est l'une des bases même de mon entraînement.

En temps normal, Hannah aurait dû repousser ce bras, et même frapper l'homme à qui il appartenait pour sa terrible audace ; elle aurait dû appuyer ne fût-ce que pour faire punir cet être qui la tutoyait sans la connaître, mais elle se pétrifia encore davantage – avec horreur elle avait reconnu cette grande main musculeuse, avec effroi, elle avait reconnu le son de cette voix grave et puissante.

– Lâchez-moi ! Et ne me tutoyez pas !

L'homme recula.

– Asseyez-vous sur ce fauteuil, et ne faites pas un mouvement. Si je vous vois bouger, je vous troue la peau, et quand ma garde accourra, elle vous percera dans tous les sens.

Il s'exécuta, calme en apparence, mais Hannah pouvait voir la tension dans chacun de ses membres. Elle posa son couteau, arma son browning, le pointa sur l'homme, et s'assit à distance de sécurité, sur le lit.

– Dietr ! murmura-t-elle.

– Alors, tu m'as reconnu, hein, Hannah ? Tu as bonne mémoire, parce qu'il faut dire que ça fait longtemps.

– Je t'interdis de me tutoyer ! Personne ne peux me tutoyer sans mon autorisation !

– Je n'avais qu'une personne à vouvoyer au monde, et tu l'as tuée. Et puis tu me tutoies bien, toi.

– Fais attention à ce que tu dis. Je pourrais rajouter des charges à ton procès pour ajouter en cruauté à ton exécution.

– J'ai l'impression de l'entendre à nouveau, réplique Dietr avec un sourire étrange. Sauf que tu es plus jeune – et plus jolie, forcément.

– Si tu continues la conversation sur ce ton, je ne donne pas cher de ta peau.

Elle se redressa, soudainement furieuse.

– D'ailleurs, je ne vois pas pourquoi je t'épargnerais ! Tu devais mourir ! Vous deviez tous mourir, et toi parmi les premiers pour les horreurs que tu m'as faites !

Elle lui colla le canon de son pistolet au front, les dents serrées.

– Non... je dois te faire souffrir... tu dois payer pour tous ceux que je n'ai pas pu égorger de mes mains !

Il se leva brusquement et la repoussa ; elle retomba sur le lit.

– Tu penses que j'ai survécu jusqu'ici pour que tu m'achèves ? J'ai trahi mon ordre, et je n'en ai aucun remords ; mais je ne paierai pour personne ! Je suis au-dessus de tout ça ; je suis bien plus que ce que tu peux imaginer. Tu crois que tu peux me détruire ? Me faire souffrir ?

L'éveil de Karey Daa (Les XXIs, livre III)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant