L'éveil de Karey Daa (Les XXIs, livre III)

Épilogue

Hannah regagna l'intérieur du palais et s'affala dans l'un des larges canapés blanc cassé du grand salon. Elle était à nouveau seule – enfin, pas exactement, mais elle avait donné congé à tous les XXIs qui restaient de la laisser se reposer quelques heures. Et maintenant elle était là.

Elle venait à peine de quitter Örka et elle ressentait déjà un vide intérieur. Elle savait qu'elle arriverait très bien à vivre sans elle et c'était cela qui la torturait le plus. C'était stupide. Pourquoi s'était-elle amenée dans une telle situation ? De toutes façons, elle se consolerait. Avec Lii. Avec Judi.

Mais c'était aussi de nouvelles sensations qu'elle avait découvertes. Une plénitude unique qu'elle ressentait quand ils étaient tous réunis, et ce, même si parmi les XXIs, il y en avait beaucoup qu'elle n'appréciait pas vraiment. Elle se demanda si eux aussi constataient ce délice ambiant qui peuplait leurs repas pris en commun. Cela les aiderait peut-être à surmonter les tensions et antipathies qui persistaient malgré les années et les épreuves. Les XXIs étaient une entité faite pour être réunie, et ce, d'autant plus qu'ils devenaient de moins en moins nombreux au fur et à mesure que leur histoire avançait, elle en était certaine. De toutes façons, c'était trop tard ; ils venaient de partir. Elle soupira et laissa ses pensées glisser jusqu'à Dietr.

Lui aussi était parti, mais elle osa espérer que ce n'était pas pour longtemps. Il finirait bien par revenir au moment où elle aurait le plus besoin de lui, comme il avait pris l'habitude de le faire. Combien de temps cela pourrait-il durer sans qu'on les découvre, sans qu'il doive prendre leur responsabilité ? Jamais elle ne serait prête à montrer à son peuple l'ex Homme en Violet qui lui servait de partenaire ; jamais elle ne l'épouserait. Il n'était pas ce qu'il fallait à son rang ; et il valait bien mieux perdurer en tant que reine solitaire tout comme l'avait fait Viola Ière avant elle. A sa mort, ce serait Maïke qui à coup sûr prendrait sa succession ; et puis à la mort de Maïke, ce serait Saül. Le petit Saül... pour l'instant, il n'avait pas l'air d'un mauvais enfant. En tous cas, pour l'instant, elle ne voulait pas se poser de questions. Elle voulait continuer leur relation telle quelle, sans se prendre la tête. Sans penser à l'avenir. Sans que personne ne sache rien. C'était leur secret. C'était bien.

Elle se prit à sourire faiblement dans le vide. De toutes façons, son sourire s'envola assez vite. La malédiction de Karey Daa lui revint en tête tandis que sa nausée remontait. Est-ce qu'elle devrait s'inquiéter ? Non, c'était inutile ; elle aimait mieux que personne ne sache. Karey Daa était mort, ses os devaient être polis par les pluies des landes, il ne pouvait y avoir aucun risque. Malgré tout, elle porta une main à son cœur chamboulé.