Le Gardien

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Mes étudiants m'aiment de tout leur cœur. J'aimerais juste qu'ils ne laissent pas de traces.


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Beaucoup d'histoires et de rumeurs parlent de l'enfouissement vivant, phénomène redouté par l'Homme. Elles ont parfois entraîné diverses légendes, comme les fameux morts-vivants, ou même les vampires. Mais l'histoire qui va suivre est tout autre, loin d'erreurs médicales ou de morts-vivants tout droit sortis de Science-Fiction.

Cette histoire étrange s'est déroulée en 2008, le 4 Novembre 2008 très exactement.

Monsieur Mounier, fossoyeur de 47 ans, partait alors faire sa ronde de garde à 23h35 dans le cimetière dans le petit village de Champfromier.

Situé dans l'Est de la France, ce village n'avait jamais eu de problèmes particuliers. Mais récemment, des profanateurs de tombes avaient fait du cimetière de la commune leur nouveau terrain de jeu. Le maire avait donc jugé bon d'engager un veilleur de nuit, et d'instaurer des rondes de nuit dans le cimetière. Monsieur Mounier avait été le premier à se porter volontaire, suivi par deux autres habitants dans la force de l'âge. Désormais, les profanateurs se tiendraient à carreau. Enfin, tout le monde l'espérait.

Alors qu'il ouvrait le grillage, il crut apercevoir quelque chose bouger au loin. Il alluma en vitesse sa lampe-torche, mais il n'y avait rien. Il courut vers le buisson qu'il avait vu trembler, et balaya les alentours de sa lampe-torche. Après une rapide vérification, il continua sa ronde et se rendit près des tombes. Il passa rapidement devant chacune d'elles, et s'arrêta quelques minutes devant celle de sa mère, morte de façon encore inexpliquée il y a une dizaine d'années, avant de s'immobiliser. Il venait de remarquer une tombe qui n'était pas ici la veille. Il s'y rendit et se pencha afin de déchiffrer l'inscription gravée sur la pierre:

« Au profanateur de ce cimetière

Que la Paix soit rendue à ces âmes perdues

Et que cet être soit plongé dans les Enfers. »

Elle était tout sauf normale. Il s'empressa de prendre son téléphone et d'appeler la police, mais rien ne fonctionnait, seule une étrange fréquence parvenait à ses oreilles. Il décida de s'en occuper lui-même. Il prit la pelle qui était rangée dans le cabanon de travail et commença tant bien que mal à déterrer ce qui y était caché. Après un effort de plusieurs minutes, il toucha quelque chose en dessous. Il retira le reste de la terre à la main et força l'ouverture du cercueil. Il y avait un homme, ou du moins un cadavre, les yeux exorbités, et un air d'effroi gravé sur son visage. Le pauvre fossoyeur s'effondra quand il vit que ce corps bougeait toujours. Sa main semblait se tendre vers lui, et une faible voix sortit de la bouche de l'inhumé:

« Pitié... S'il vous plaît... Aidez-moi... »

Le fossoyeur se leva et partit à toute allure. Alors qu'il arrivait au grillage, il ne parvint plus à l'ouvrir, et la porte était trop haute pour qu'il puisse l'escalader. Il tenta tout de même de s'y accrocher avec sa veste. Arrivé à mi-hauteur, le tissu céda, et il s'écrasa sur le sol. Il devait trouver une autre sortie. Il reprit sa lampe torche ainsi que son téléphone, et après avoir récupéré ses esprits, il vit ce qu'il n'oublierait jamais.

Devant lui, entre deux arbres, se tenait un squelette. Il était debout et semblait regarder au loin. Il avait l'air vêtu de plumes de corbeau, et aucune expression ni émotion n'émanait de cette chose. Il prit une photo qui ne quitterait jamais sa mémoire.

À peine relevé, il vit que la chose avait disparu. Quand il tenta de rouvrir le portail, il n'eut pas besoin de forcer. De retour chez lui, il fit des recherches sur l'entité qu'il avait vue. Il obtint quelques résultats intéressants. Certains l'appelaient ''Le Gardien'', d'autres ''Le Veilleur des Morts'', car il chassait les profanateurs de cimetières et les enterrait vivants. Malgré tout, il ne pouvait se résoudre à laisser le pauvre homme inhumé pourrir dans son tombeau, et il repartit aussitôt.

Lorsqu'il arriva au cimetière, l'air était nauséabond. Il se boucha le nez et retourna là où il avait découvert le malheureux. Il gisait toujours au même endroit et semblait encore tendre la main dans le vide, prononçant en boucle les mêmes mots. M. Mounier le prit par le bras et le sortit du cercueil. Il le porta par l'épaule et tenta de le faire sortir de l'ossuaire. Plus il se rapprochait de la sortie, plus il se sentait oppressé. Quand il se retourna, le squelette le suivait.

Et il se rapprochait.

Le Gardien le prit par le cou, lui arrachant quelques lambeaux de peau. Le fossoyeur se sentait partir, partir tandis qu'il voyait la sortie s'éloigner peu à peu, puis il s'évanouit.

Lorsqu'il se réveilla, il était dans l'obscurité, allongé et... comprimé. Il n'eut pas besoin de plus de temps pour comprendre qu'il subissait le même sort que l'autre homme. Il tapait de toutes ses forces sur le cercueil qui l'emprisonnait de plus en plus. Alors qu'il croyait perdre espoir, il sortit son téléphone, lança l'appel d'urgence à la Police, et après plusieurs tentatives, il entendit un homme au bout du fil et le supplia de venir l'aider, sans savoir à qui il parlait.

L'appel coupa juste après. Alors que l'air commençait à manquer dans son tombeau, il entendit un très faible bruit, une sirène de police. Il se rassura en entendant les cris des agents:

« L'appel venait d'ici, cherchez aux alentours! » « Attendez... Certains disent qu'on a affaire à un enterrement vivant ! » « Ça pourrait être le cas, alors grouillez-vous et cherchez partout! Vite! »

Il perdit connaissance alors qu'un sourire se dessinait sur son visage. Lorsqu'il se réveilla, il était à l'hôpital, le chant des oiseaux venant de sa fenêtre lui procura un sentiment de paix et de bien-être. Il reçut la visite des enquêteurs dans sa chambre toute la journée, lui posant des questions sur les circonstances de l'accident, mais à chaque fois, le fossoyeur ne dit pas un mot, pensant qu'il serait pris pour fou et envoyé à l'asile.

Alors que la nuit tombait, il se leva pour contemple le clair de lune. Et il l'aperçut au loin. Le Gardien. Difficile de dire s'il le fixait ou non, ses orbites vides ne laissaient paraître que le désespoir qui s'imprégnait dans l'âme du pauvre fossoyeur.

C'en était trop pour lui.

« Non... NON... NON! »

Il courut dans les couloirs de l'hôpital en hurlant, tentant d'échapper à ce cauchemar, mais il fut intercepté par des infirmiers qui l'avaient entendu.

Après une enquête sur Monsieur Mounier, il fut déclaré fou, et aucune tombe non répertoriée ou corps déterré ne fut retrouvé dans le cimetière, malgré les photos du fossoyeur qui furent démenties et considérées comme truquées. L'affaire fut classée sans suite.


𝕻𝖆𝖓𝖉𝖊𝖒𝖔𝖓𝖎𝖚𝖒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant