Mon Frère # 13

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Extrait du cahier n°1 ; « Genèse / vide sanitaire » :


[7.]
Beaucoup de choses me dérangeaient dans le passé, comme les « maisons hantées » et les poupées « effrayantes », mais quand tu es un gosse il est plus facile de pardonner (et d'oublier). Il y avait un moment particulier où j'ai réalisé que les choses qui me poursuivaient et essayaient de m'attraper pendant la nuit n'abandonneraient jamais.


Je devais avoir douze/treize ans. Il n'y avait pas école et c'était l'été le plus chaud que la ville ait connu depuis des décennies. Une partie de mes amies faisait de la corde à sauter à la plaza, ou essayaient d'ouvrir une bouche d'incendie. À l'époque, les rues étaient plus sûres et j'étais autorisée à errer dans le quartier, avec une robe d'été et des sandales. J'étais plutôt une fille mignonne.

Tu te souviens d'Alex ? Il est parti entre le collège et le lycée, et il n'était pas très, très causant. Je me souviens que les autres se moquaient de lui parce qu'il était pauvre et apparemment ses parents devaient emprunter de l'argent à une autre famille pour payer ses cours. Son père tenait une clinique dans sa maison tu sais. Le rez-de-chaussée abritait la clinique et ils habitaient au premier, dans ce petit complexe d'appartements qui leur appartenait. En ce jour particulier je suis allée voir ce garçon particulier, parce qu'on avait convenu d'un rendez-vous.

Alex avait quelque chose à me montrer. Je lui ai toujours raconté mes histoires, celles sur les gros chiens qui vagabondent dans la nuit et sur Monique, et sur les fantômes que je voyais à côté de ma maison quand j'essayais de dormir. Et je prenais plaisir à l'effrayer, parce que c'était mon passe-temps favori avec les garçons, mais il était visiblement intéressé par ces histoires. Il a dit que des choses similaires se passaient dans sa maison. Apparemment j'avais trouvé un esprit innocent.

J'ai marché quelques huit pâtés de maisons jusque chez lui, la petite clinique où une secrétaire s'ennuyait derrière le comptoir, et il est descendu pour m'accueillir. Il portait un vieux tee-shirt Thundercats, je crois, avec un vieux jean délavé et des baskets blanches. Je lui ai offert un chocolat que j'avais piqué de la réserve de ma mère. Il m'a invitée à rentrer.

Comme je l'avais compris, la famille d'Alex était dans des ennuis financiers très compliqués, tellement qu'aucun de nous deux ne nous en préoccupions ou ne comprenions, et ses grands-parents vivaient avec lui. Ils venaient de la campagne et étaient très superstitieux ; un des passe-temps favoris de sa grand-mère était d'interpréter les rêves (apparemment c'était toujours de sombres présages, et à cette occasion elle m'a parlé d'un truc ou deux à propos des miens, mais c'est encore une autre histoire).

Alex m'a amené dans la cave, qui ressemblait plus à un couloir voûté. Apparemment c'était un espace utilisé pour l'isolation ou bien une partie de quelque chose de plus grand ; d'après mon père ce bâtiment faisait partie d'un complexe ou quelque chose comme ça. On y accédait via une porte en bois grinçante de la taille d'un placard. La pièce servait aussi d'entrepôt pour les fournitures médicales. On devait se faufiler derrière son père et les adultes présents comme ils n'aimaient pas qu'il aille là-bas.
Si j'avais été ne serait-ce qu'un peu claustrophobe je crois que jamais je n'aurais pu m'en sortir. Même un enfant de mon âge devait gigoter en rampant sur le sol en béton avec les sons grinçants de la maison au-dessus de ma tête. J'avais peur que tout nous tombe dessus. Alex avait volé un briquet à son père avant d'entrer, mais il était devant moi et le peu de lumière qu'il faisait ne me rassurait pas vraiment. Après avoir rampé dans le chemin pendant une ou deux minutes, on est arrivés à un cul-de-sac, où il a dit qu'on pouvait se lever. Il avait raison, on devait maintenant suivre un mur, je suppose qu'on devait être à l'autre bout de la maison, entre les murs intérieurs et extérieurs. Je pouvais entendre la télé quelque part, sur laquelle diffusait quelque chose qui semblait très vieux.

𝕻𝖆𝖓𝖉𝖊𝖒𝖔𝖓𝖎𝖚𝖒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant